"
"I truly believe that individuals can make a difference in society. Since
periods of great change such as the present one come so rarely in human
history, it is up to each of us to make the best use of our time to help
create a happier world".
Tenzin GYATSO, the Fourteenth Dalai Lama, 1992
Objet:
lettre à des amis du Tibet
Bruxelles, le 8 Septembre 2001
Cher(e)s ami(e)s,
Il y a plus de neuf mois, nous
nous sommes retrouvés à quelques 250 personnes à Bruxelles pour tenter
de définir ensemble des initiatives à mener de façon convergente sur une
question qui nous concerne tous: celle du Tibet.
Au termes de nos deux journées de travaux, nous avions ainsi notamment
décidé de:
" 1) lancer une campagne en direction de tous les parlements nationaux
d'Europe afin qu'ils adoptent le plus rapidement possible des résolutions
parlementaires similaires à celle adoptée par le Parlement Européen et
dans lesquelles ils demandent en particulier à leur gouvernement respectif
de " reconnaître le gouvernement tibétain en exil si, dans un délai de
trois ans, les autorités de Pékin et le gouvernement tibétain en exil
ne sont pas parvenus à un accord sur un nouveau statut du Tibet par le
biais d'une négociation organisée sous l'égide du Secrétaire Général des
Nations Unies; et à multiplier les initiatives pour que la manifestation
du 10 mars prochain devienne une grande occasion de mobilisation en sens;
2) lancer une nouvelle campagne en direction des dizaines de milliers
de communes d'Europe avec comme objectif l'exposition permanente du drapeau
tibétain jusqu'à ce que ce nouveau statut de pleine autonomie du Tibet
soit entré en vigueur;
3) se mobiliser afin que l'Union européenne et ses Etats membres continuent
le dialogue avec la RPC mais abandonnent la politique dite de " dialogue
critique sur les droits de l'homme " et fassent de l'instauration de la
démocratie, de l'Etat de Droit, de la liberté en Chine et dans les territoires
occupés du Tibet, de Mongolie méridionale et du Turkestan oriental, leur
priorité politique absolue et la défendent dans tous les forums bilatéraux
et multilatéraux, à commencer par la Commission des Droits de l'Homme
des Nations Unies;
4) multiplier les initiatives visant à créer un mouvement mondial rassemblant
tous ceux qui, en Chine, au Tibet et dans le reste du monde, ont décidé
de faire de la lutte pour l'instauration de la démocratie et de l'Etat
de Droit en Chine et pour la libérté au Tibet, au Turkestan oriental et
en Mongolie méridionale, une des priorités absolues de leur engagement
politique;
pour ce faire, les participants au Séminaire décident de:
5) se fixer comme premier objectif de la nouvelle campagne " un drapeau
pour un nouveau statut de pleine autonomie pour le Tibet ", l'exposition
permanente, dans les 6 mois, de celui-ci dans mille communes d'Europe;
6) se doter, à travers l'ouverture sur leur site internet respectif, d'un
espace commun de réflexion et d'action dénommé " EuroTibet forum ";
7) créer un groupe de travail sur la situation économique en RPC et sur
les relations économiques sino-européennes;"
Quels résultats avons-nous obtenus ?
3 régions, 2 provinces et 104 mairies d'Europe ont, à ce jour, décidé
de participer à la campagne visant à exposer de façon permanente le drapeau
tibétain. Les régions italiennes du Piémont, de Toscane et de Lombardie,
les provinces italiennes de Florence et Crémone et 43 municipalités italiennes,
34 françaises, 18 hongroises, 4 espagnoles, 3 albanaises, 1 suisse et
1 croate.
Peu de choses si on le compare aux plus de 1.000 municipalités d'Europe
qui avaient adhéré, en l'espace de quelques semaines, aux campagnes lancées
en vue du 10 mars 1996 et 1997. Moins encore si l'on sait que l'Europe
compte plus de 60.000 municipalités … Loin en tout cas de l'objectif des
1.000 municipalités en 6 mois que nous nous étions fixés …
En janvier, notre ami Patrick Bonnassieu, de Lyon, proposa de lancer une
campagne semblable en direction des citoyens. Une initiative qui a été
baptisée " un drapeau à ta fenêtre " et qui me semblait - et semblait
à d'autres - en mesure de renforcer la campagne que nous avions décidé
ensemble de lancer à Bruxelles. Aujourd'hui, en premier lieu grâce à l'engagement
de Patrick et de Dan Golfier de Millau, un plus de 600 personnes ont adhéré
à l'initiative. En France pour la plupart, mais aussi, dans d'autres pays
d'Europe ainsi que de l'autre côté de l'Atlantique. Un résultat remarquable
si l'on considère qu'il est le fruit, pour l'essentiel, du travail de
quelques personnes seulement. Un résultat absolument médiocre quand l'on
sait le nombre de personnes qui travaillent jour après jour pour la liberté
du Tibet et qui ne pourraient être que disposées à participer à l'initiative
… si elles savaient !
Pourquoi des résultats aussi décevants ? Je crois qu'une des raisons réside
sans aucun doute dans la décision prise par certains de proposer aux maires
le " choix " entre l'exposition du drapeau le seul 10 mars et l'exposition
permanente … Avec le résultat - prévisible - que nombre de nos amis maires
n'ont pas cru bon devoir s'engager dans une opération qui les engageait
plus et ont confirmé, de façon plus ou moins routinière et bureaucratique,
leur adhésion à l'opération pour le seul 10 mars ! Le vieil adage selon
lequel " si vous demandez peu, vous recevrez peu, si vous demandez … "
s'est donc bien confirmé.
Mais la raison la plus importante n'est pas là. Ce qui nous a fait défaut,
à tous au cours de ces dix derniers mois, c'est la conviction de la justesse
de l'objectif que nous nous étions fixé. Un objectif qui n'est autre que
celui de travailler à la traduction dans des faits institutionnels concrets
- en commençant par les régions et les municipalités pour " remonter "
ensuite vers les parlements nationaux - de la résolution du Parlement
européen du 6 juillet dernier.
Une résolution qui, vous vous en souviendrez, demandait (et demande toujours)
"au Conseil, à la Commission et aux États membres (de l'Union Européenne)
de tout mettre en oeuvre afin que le gouvernement de la République populaire
de Chine et le Dalaï Lama négocient un nouveau statut du Tibet qui garantisse
une pleine autonomie des Tibétains dans tous les secteurs de la vie politique,
économique, sociale et culturelle, avec les seules exceptions de la politique
de défense et de la politique étrangère"
et:
"à examiner sérieusement la possibilité de reconnaître le gouvernement
tibétain en exil comme légitime représentant du peuple tibétain si, dans
un délai de trois ans, les autorités de Pékin et le gouvernement tibétain
en exil ne sont pas parvenus à un accord sur un nouveau statut pour le
Tibet par le biais de négociations organisées sous l'égide du Secrétaire
général des Nations unies".
Aujourd'hui nous en sommes toujours là. Le Parlement européen est toujours
seul. Un Parlement qui, comme vous le savez, n'a en matière de politique
étrangère qu'un pouvoir d'invitation et de pression. Seuls trois parlements
régionaux, deux assemblées provinciales, 104 municipalités ont fait leur,
à ce jour, la position du PE. Aucun parlement national, ni en Europe,
ni ailleurs, n'a adopté un texte semblable engageant par la même occasion
son gouvernement à signifier au gouvernement de Pékin qu'il n'y avait
plus de place pour les belles déclarations ni même pour les promesses
d'autonomie, que seuls des actes concrets sont désormais attendus et qu'en
l'absence de tels actes ces gouvernements se verraient contraints de tirer
les conclusions qui s'imposent, à savoir procéder à la reconnaissance
officielle du gouvernement tibétain en exil.
En attendant la situation au Tibet reste ce qu'elle était. Mauvaise, très
mauvaise. Tandis qu'à Pékin, rien ne change si ce n'est que les oligarques
sont toujours plus arrogants, plus méprisants, plus féroces, plus déterminés
dans leur politique de répression. Au Tibet, au Turkestan oriental, en
Mongolie méridionale, dans la Chine toute entière où les militants du
Parti Démocratique, les internautes, les membres du Mouvement Falun Gong
subissent une répression qui n'avait plus cours depuis quelques années.
Chaque jour amène son lot de nouvelles arrestations, exécutions, destructions,
…
Et chacun, en l'absence de cette conviction de partager un objectif commun
et de travailler ensemble à sa réalisation, de se plonger dans l'initiative
du moment qui lui semble la plus "porteuse", la plus "médiatique", la
plus "sympathique" ou tout simplement la plus "urgente". Et va pour la
campagne sur l'école des guides, celle contre les jeux olympiques, contre
la construction de la nouvelle ligne ferroviaire, … pour finir par des
idées de campagnes franchement discutables comme celle contre la téléphonie
mobile (les Tibétains n'y auraient-ils pas droit ?) ou, totalement improbables,
comme celle du boycott des jeux à rien moins que 7 années de leur tenue…
N'avons-nous pas perdu la campagne contre l'attribution des jeux à Pékin
? Dans lequel cas il appartiendra aux " démocrates " bien de chez nous
qui ont soutenu la candidature de Pékin de tirer en 2006-2007 le bilan
de l' " effet JO " sur l'évolution de la situation en Chine. Et en cas
de constat négatif, c'est à eux qu'il reviendra, en premier lieu, d'appeler
au boycott des jeux !.
Vous allez penser que j'ai une vision particulièrement noire de la situation.
Certes je n'ai pas eu cette année la formidable opportunité d'échanger,
de partager réflexions, idées, projets comme durant la Marche transalpine
pour le Tibet de l'été dernier. Mais je n'ai point d'idées noires. J'essaye
seulement de regarder froidement, avec vous et grâce à vous, la situation
dans laquelle nous nous trouvons, l'état d'avancement de notre projet,
et, chose beaucoup plus importante, la situation dans laquelle se trouvent
nos amis tibétains.
Dans ce sombre panorama il y a évidemment des points positifs comme la
participation de deux ONG tibétaines à la Conférence des Nations Unies
sur le racisme à Durban, la venue prochaine du Dalai Lama au Parlement
européen où, pour la première fois, il s'adressa en scéance plénière à
l'ensemble des députés. Mais, surtout, un fait nouveau, important, c'est
produit. Les Tibétains en exil (les seuls qui peuvent voter librement)
ont élu pour la première fois leur premier ministre. Pas n'importe lequel.
Le Président sortant du Parlement tibétain en exil. Notre ami. Le Professeur
Samdhong Rinpoché. Un nouveau premier ministre dont les déclarations juste
après son élection, rapportées par des agences de presse, sont extrêmement
claires: il s'est dit prêt "au déclenchement d'une lutte pour l'indépendance
totale du Tibet si la Chine refusait l'ouverture d'un dialogue en vue
d'une véritable autonomie d'ici trois ans (AFP, 20 août 2001).
Un dernier mot sur la " nonviolence ". La nonviolence n'est pas, ou n'est
pas tant une manière d'être. C'est, cela doit être, une manière d'agir.
Et le " Satyagraha " dont nous avons beaucoup parlé et sur lequel nous
avons beaucoup réfléchi en 1996 et 1997 avec le Prof. Samdhong Rinpoché,
n'est autre que la mise en œuvre, ensemble, de cette " manière d'agir
".
Nous avons l'objectif. Celui que ne cesse de répéter le Dalai Lama: une
pleine et réelle autonomie pour le Tibet. Nous sommes des dizaines de
milliers de par le monde à considérer comme prioritaire la résolution
de la question du Tibet. Il nous reste cependant à mieux nous organiser
pour agir avec plus de force et plus d'efficacité, en premier lieu là
où nous sommes directement concernés, dans nos pays, en direction de nos
gouvernents et de nos parlements, en direction de ceux qui nous gouvernent.
Ce sont eux nos principaux interlocuteurs. Certainement pas les oligarques
de Pékin qui ne répondent ni à leurs citoyens, ni bien sûr aux principes
de la démocratie et de l'Etat de Droit, ni même, en fin de compte, à eux-mêmes,
mais seulement à la logique du pouvoir. Ce sont nos gouvernements que
nous devons amener à assumer une politique cohérente avec les principes
et les valeurs dont ils se réclament: la liberté, la démocratie, l'Etat
de Droit.
A moins que de ne préférer attendre que les autorités chinoises qui intensifient
leur campagne de jumelage en Europe, n'aient occupé tout le terrain, nous
devrions relancer l'opération " drapeaux ", une opération apparement folklorique
- et qui risque d'ailleurs de le devenir -, nous devrions relancer l'initiative
des motions et résolutions des municipalités, des conseils régionaux et
des … parlements nationaux, une initiative, apparemment marginale - et
qui risque de le devenir. Ces initiatives peuvent, pourraient devenir
le terreau sur lequel lancer et faire grandir le Satyagraha mondial pour
la liberté du Tibet.
Brussels, 22 September 2001.
Je reprends, non sans difficulté,
cette lettre que j'étais en train de terminer lors de la terrible tragédie
de New York et Washington. Tout est un peu plus "lourd". Je ne sais pas
vous, mais en ce qui me concerne je crois qu'il me faudra du temps. Et
déjà des effets "collatéraux" se multiplient. Les demandes de visas pour
nos amis tchétchènes trainent en longueur. Des "bons" conseils se multiplient
pour renvoyer à des temps meilleurs l'une ou l'autre initiative sur des
questions qui concernent, de près ou de loin, nos amis de religion musulmane.
Les vautours du Kremlin et
de la Cité interdite se repaissent sans vergogne de la tragédie, présentant
leurs terrorismes d'Etat comme autant de luttes contre "leurs" terrorismes,
ouighour, tchétchène, tibétain … Nos gouvernants s'enferment dans des
ripostes défensives, "sécuritaires", oubliant que deux tiers de l'humanité
sont gouvernés par des dictatures, humus privilégié du terrorisme.
On est donc loin,
bien loin, d'une mobilisation générale pour attaquer le mal à sa racine.
On est loin d'une grande offensive d'information et de subversion nonviolente
par la connaissance et la non-complicité active, pour miner de l'intérieur
et de l'extérieur ces régimes autocratiques et criminels qui oppriment
aujourd'hui à Lhassa, Grosny, Pékin, Urumchi, …
Désolé pour la longueur. Amitiés,

Olivier Dupuis, MPE
Secrétaire Général du
Parti Radical Transnational
PS. Le Tibet c'est
loin. La Tchétchénie aussi, encore qu'un peu moins. Deux tragédies, certes
fort différentes à mains égards. Mais aussi fort proches. Deux pays, deux
peuples opprimés, l'un depuis 50 ans, l'autre depuis plus de deux siècles.
Deux peuples décimés qui résistent à la féroce emprise coloniale des derniers
grands empires (il faudra aussi que nous commençions à parler d'un autre
empire, moins connu comme tel, l'Indonésie, et que nous nous occupions
de ses peuples opprimés, à commencer par les Papous). Pourtant à voir
la complicité régnant entre les maitres de ces empires sur les questions
des territoires et des peuples qu'ils occupent, on peut penser qu'un processus
de décolonisation chez l'un aurait de sérieuses conséquences chez l'autre.
Une raison de plus pour ne pas oublier les Tchétchènes ….
Tél. +32-2-284.71.98
Fax. +32-2-230.36.70 or 284.91.98
email: odupuis@europarl.eu.int
www.radicalparty.org
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