Dans Humo, la semaine dernière, l'adjudant de gendarmerie Patrick De Baets,
l'homme qui dans l'affaire Dutroux mena des enquêtes sur les témoins X,
racontait comment on avait rapidement tenté de le compromettre par le
biais de machinations comme l'affaire Di Rupo. Pourquoi ? Parce qu'on
voulait détruire ses enquêtes sur les X. Cette semaine, vous pourrez lire
comment une coalition de bonzes de la gendarmerie et de magistrats bruxellois
donnent un coup de poignard après l'autre, et comment de Baets, à un moment
donné est même soupçonné de faits datant d'avant sa naissance.
Humo: Alors qu'on tentait de souiller votre nom avec, entre autres, l'affaire
Di Rupo, les témoins X déclaraient des choses incroyables.
De Baets: Oui. Bien que Je n'en suis à nouveau pas tombé à la renverse.
En tant que gendarme, j'avais déjà vu et entendu auparavant des choses
qui défient l'imagination. J'ai travaillé sur les "Ballets roses", hein.
J'y ai appris que ce que des personnes normales tiennent pour impossible,
ce qu'ils considèrent comme impensable ou même inimaginable, existe et
se produit bel et bien. Dans la fin des années 80, j'ai vu des photos
du dossier judiciaire au sujet d'affaires de pédophilie retentissante
autour du CRIES. Des photos de faits innommables, atroces, avec des enfants
et même avec des bébés. En 1995, j'ai vu des photos que le pédophile Jean-Paul
Ramaekers avait faites de lui-même. Répugnant ! Il frappait très violemment
une enfant de six ans à coups de poings dans le visage, et pendant que
le sang s'écoulait du nez et de la bouche de la victime, il la violait.
Quand la scène fut terminée, il rebobina le film, le visionna et dit sans
sourciller : "L'image n'est pas bonne, on recommence." Je n'oublierai
jamais les pleurs et les hurlements de cet enfant.
Les X racontaient en effet des histoires terrifiantes. Au début, quand
nous en parlions entre nous, certains magistrats disaient évidemment "Est-ce
possible ? Est-ce bien vrai ?" Mais à Neufchâteau, on avait la bonne attitude
à ce sujet. Ils se disaient "On verra bien, ce n'est pas à nous à dire
d'emblée si une chose peut être vraie ou fausse, à croire ou non. Nous
interrogeons, enquêtons et vérifions. Si nous pouvons démontrer 5 % de
tout ce qu'affirment ces filles, ce sera déjà très fort. En fait, c'est
le procureur Bourlet de Neufchâteau qui, le premier, mit la pression.
En décembre 1996, il voulait déjà procéder à des interventions - perquisitions,
interrogatoires, arrestations éventuelles sur base des déclarations des
X. Nous avons empêché cela. Nous n'étions pas encore prêts, nous étions
encore en plein dans les vérifications, le contrôle des dépositions.
Humo: Qu'ont apporté ces contrôles ?
De Baets: Assez bien d'éléments. Prenez Regina Louf, X1. Tout le monde
a oublié que ses parents ont finalement reconnu qu'ils avaient donné leur
fille en cadeau à l'homme que Regina appelait son souteneur : Tony V.
Les parents ont admis que Tony V. avait une relation sexuelle avec leur
fille, qu'il possédait une clef de la maison, qu'il allait et venait comme
il le voulait, qu'il allait chercher Regina et la ramenait quand bon lui
semblait. Et Tony V. a reconnu qu'il a, à son tour, prêté Regina.
Suite à son livre "Silence, on tue des enfants", les parents et le cousin
de Regina ont déposé plainte contre elle. Entre temps, sa mère est décédée.
Savez-vous que le père Louf vient de proposer à Regina de faire porter
tous les torts sur sa mère décédée et de le blanchir lui totalement ?
Je trouve cela tout à fait incroyable.
Humo: D'accord, mais cela signifie-t-il aussi que les histoires les plus
hallucinantes de Regina Louf - les viols organisés d'enfants et les séances
de meurtre répugnantes - sont vraies ?
De Baets: Pour moi, Regina Louf reste un témoin crédible. Les événements
qu'elle a relatés ne s'inventent pas comme cela. Mais ils ne peuvent jamais
" coller " jusque dans le moindre détail, parce que des gens comme Regina
disposent pour seul instrument de leur mémoire. Et je ne parle pas des
traumatismes, des mécanismes d'occultation et de l'angoisse qui y est
imbriquée. Il s'agit d'aller jusqu'au bout dans une telle enquête. Pour
ce faire, il faut des moyens et surtout beaucoup de temps. Il faut reconstruire
la vérité morceau par morceau, à grande de peine et avec beaucoup de difficultés.
Ensemble, avec le témoin. Cela ne se fait pas en gueulant déjà après un
seul interrogatoire que c'est une cinglée. A cela s'ajoute que dans une
enquête judiciaire, il ne faut pas seulement consigner l'histoire sur
papier, il faut aussi l'étayer par des preuves. L'enquête sur les X était
délicate, mais elle n'était quand même pas révolutionnaire, hein. Travailler
avec un témoin X n'est pas - du point de vue de la technique d'enquête
- fondamentalement différent du travail que l'on fait avec un informateur
dans une affaire de drogues. On ne prend pas non plus au pied de la lettre
tout ce que dit un informateur normal. L'information qu'il apporte doit
être examinée et vérifiée jusqu'à ce qu'on puisse ou non apporter des
preuves.
Humo: Vous avez travaillé pendant pratiquement 6 mois avec Regina Louf.
Avez vous pu, au cours de cette période, contrôler suffisamment ses déclarations
pour être encore persuadé qu'elle a dit la vérité ?
De Baets: Je dois d'abord vous expliquer quelque chose au sujet de la
méthode d'enquête que nous avons utilisée. Nous avions deux équipes :
l'une, à laquelle j'appartenais, qui entendait Regina, et une équipe dite
d'enquête, qui vérifiait ses dire sur le terrain. Les deux équipes s'échangeaient
des fiches de travail. L'équipe d'enquête faisait savoir, par exemple,
qu'il lui fallait plus de détails sur l'un ou l'autre lieu dont Regina
Louf avait parlé. Nous travaillions là-dessus lors de l'interrogatoire
suivant.
Il y a des détails que Regina Louf n'a pu révéler que parce qu'elle dit
est vrai, parce qu'elle y était. L'exemple le plus connu est celui de
la mort de Christine Van Hees en 1984, à Bruxelles. Notre équipe d'enquête
est allée avec le témoignage de Regina Louf chez le fils de l'ancien propriétaire
de l'immeuble où les faits se sont passés. Ce monsieur est ingénieur civil.
Depuis les événements, l'immeuble a été démoli. Vous devez savoir que
la maison, ainsi que la cave où a été retrouvé le corps de Christine Van
Hees n'ont jamais été décrites dans la procédure judiciaire, ni dans la
presse de l'époque. Malgré cela, notre équipe d'enquête trouva neuf points
de correspondance entre les déclarations de Regina Louf et la description
des lieux faite par le fils de l'ex-propriétaire. Cet homme semble a dit
clairement :"Tout est exact. Cette fille a dû venir ici." Détail piquant:
cet homme attendait d'être entendu depuis treize ans. La justice n'avait
jamais fait appel à lui. Je ne prétends pas que ceci constitue la preuve
ultime et définitive que Regina Louf s'y trouvait au moment du meurtre
de Christine Van Hees. Mais pour quelle raison y aurait-elle échoué autrement
? Regina était âgée de 14-15 ans. Comment serait-elle arrivée seule depuis
Gand dans cette champignonnière abandonnée, et que serait-elle allée y
faire ? Voilà des éléments qui m'ont amené à penser que Regina n'est pas
une fabulatrice.
Humo: Comment se fait-il que d'autres, y compris des gendarmes de votre
propre équipe, aient une toute autre opinion à ce sujet?
De Baets: Au début j'interrogeais Regina avec mon collègue Philippe Hupez.
Cela se passait parfaitement, mais à un moment donné, Hupez choisit de
retourner à ces dossiers financiers, afin que ceux-ci ne traînent pas.
Danny De Pauw vint le remplacer. Je lui ai recommandé de potasser d'abord
la littérature sur le sujet. Quand vous interrogez quelqu'un comme Regina,
vous devez savoir comment aborder une victime de violence sexuelle, comment
sont ces personnes et comment elles réagissent. De Pauw ne l'a pas fait,
et il a totalement flippé à cause de ce qu'il entendait. Il a dit, dans
un réflexe très humain : "Ceci n'est et ne peut pas être vrai".
Humo: Il s'agissait aussi de faits dont on peut s'imaginer qu'ils dépassent
un simple gendarme.
De Baets: D'accord, mais De Pauw est universitaire. D'un homme comme lui,
on s'attend à ce qu'il se mette à étudier quand il reçoit de la matière
nouvelle, délicate à appréhender. On ne laisse pas commencer une enquête
financière par quelqu'un qui ne sait pas ce que sont les paradis fiscaux
et comment ils fonctionnent. J'ai dû tout apprendre, moi aussi. Mais De
Pauw en disant d'emblée: "tout est bullshit", cédait à la facilité.
Humo: Ceux qui vous critiquent ont dit à peu près la même chose à votre
sujet " De Baets est un spécialiste incontesté en enquêtes financières,
mais dans le magasin de porcelaine de la délinquance sexuelle, il a agi
comme un gros éléphant. "
De Baets: Dans notre profession, nous avons en réalité constamment à faire
à des victimes.. Que ce soit les victimes d'un accident de la route, d'un
vol, d'une attaque ou d'un abus sexuel, quand vous devez mener l'enquête,
vous devez toujours tenter de vous mettre à la place de la victime. Et
si vous voulez, à travers la victime, arriver aux auteurs, si vous voulez
obtenir la plus grande collaboration possible de la victime, vous devez
vous rendre sympathique aux yeux de cette victime. Il vous faut alors
en premier lieu la reconnaître en prenant au sérieux ses déclarations.
En littérature professionnelle cela s'appelle récompenser la volonté de
collaboration en écoutant, de manière à ce que la victime se sente confortée.
Une sérieuse dose d'empathie, une grande faculté à se mettre à la place
de l'autre, de la compassion suffisent. C'est ce que j'ai fait.
Regina Louf n'a pas inventé la pédophilie et le crime d'enfants organisé.
Marc Verwilghen l'a très bien dit quand il était encore président de la
Commission Dutroux : " Dans le monde entier, dans tous les pays qui nous
entourent, il existe des réseaux de violeurs d'enfants et de pédophiles.
Et la Belgique serait le seul pays où cela n'existe pas ? " Mais ici,
à un moment donné, on a fabriqué un climat de "C'est impossible ici."
Humo: Existe-t-il des déclarations de Regina Louf qui ont parues fausses
? Des choses qui pouvaient relever de l'affabulation ?
De Baets: Nous n'en sommes jamais arrivés à ce stade. L'enquête a été
boycottée avant que nous ayons terminé le puzzle. Des gens qui se trouvaient
tout à fait en dehors de l'enquête assistaient à des réunions, avec des
membres du parquet et le juge d'instruction, et prenaient des décisions
cruciales au sujet de l'enquête. Je parle ici surtout de mon supérieur
hiérarchique direct, le commandant de gendarmerie JeanLuc Duterme. Il
pensait "Ces bonnes femmes sont gaga".
Humo: Quand Duterme entre-t-il en scène ?
De Baets: Le 1er décembre 1996 il est désigné comme commandant de l'antenne
Neufchâteau de la gendarmerie. Je dis toujours que la création de cette
antenne a signé le déclin de l'enquête. Au début, de fin août à fin novembre
1996, nous étions simplement des membres de la BSR de Bruxelles qui travaillions
pour Neufchâteau. Par la création de l'antenne, nous nous retrouvions
dans une unité séparée, avec une hiérarchie propre, et nous étions détachés
de notre environnement naturel. De ce fait, nous nous trouvions sous la
loupe.
Le commandant de district Guido Torrez a désigné Duterme comme commandant
de l'antenne. Jean-Luc Duterme avait ses racines à Nivelles, où, dans
les années 80, il avait joué un rôle dans l'enquête sur la bande de Nivelles.
Un rôle obscur, selon certains de mes collègues. Quand Duterme est devenu
notre patron, les collègues se sont dit brusquement " Nom de dieu, Duterme.
On va avoir des problèmes". Je ne me méfiais pas. J'ai dit "Mais non,
ce type est tellement frustré par cette enquête ratée sur la Bande que
cette fois nous allons mettre la gomme". J'étais celui qui défendait Duterme.
Par après, j'ai naturellement dû reconnaître que j'avais été très na‹f.
Humo: Pour quelle raison Duterme entravait-il les enquêtes dont il était
lui-même le chef ?
De Baets: Je pense qu'il a agi sur ordre de ses supérieurs hiérarchiques
: Jean-Marie Brabant, commandant de la BSR de Bruxelles, et Guido Torrez,
commandant du district de Bruxelles. Torrez avait une bonne raison de
me mettre des bâtons dans les roues. Jadis, il était intervenu pour aider
Annie Bouty, l'ex de Nihoul. Si cela se savait, si à ce moment-là on pouvait
établir le lien entre lui et ce couple, il était brûlé pour le reste de
sa carrière. Et Brabant ne voulait absolument pas que l'on sache que Nihoul
était un informateur non-codé de sa BSR. Ces hommes devaient se protéger.
Ils tiraient les ficelles, ils donnaient des instructions à Duterme.
Humo: Quand Duterme a-t-il commis son premier acte de sabotage ?
De Baets: Le 20 janvier 1997, il était chef de l'antenne depuis à peine
six semaines, Duterme envoie un fax étrange au major Guissart, le gendarme
qui dirigeait l'enquête à Neufchâteau. Il écrivait qu'il voulait poursuivre
l'enquête sur les X seulement après avoir reçu la réponse à un certain
nombre de questions. La première question était : "Les déclarations des
X sont-elles crédibles ?" Sa propre réponse se trouvait déjà sous-entendue
: "Il s'agit la plupart du temps de souvenirs de jeunesse retrouvés".
Il n'appartient pas à un flic de se poser ce genre de questions. Nous
devons enquêter, nous ne devons pas interpréter. Et nous ne devons certainement
pas juger. Même un juge d'instruction ne peut pas juger: il doit instruire
à charge et à décharge, et transmettre les résultats au parquet, qui ensuite
amène ou pas l'affaire devant le juge. C'est lui qui jugera finalement.
Une autre question que Duterme posait dans son fax était "La magistrature
est-elle prête à assumer l'arrestation de dizaines de malfaiteurs potentiels,
à poursuivre l'enquête jusqu'à leur jugement éventuel, et à détenir les
suspects jusqu'à leur procès ?" Et encore "La gendarmerie, dans le cas
d'une telle opération globale, est-elle capable d'apporter les renforts
nécessaires et a-t-elle suffisamment de personnel qualifié pour interroger
toutes ces personnes ?"
Plus tard, on a dit et écrit que De Baets était prêt à emmener du Parc
de Bruxelles (où se trouvent le Parlement, le siège de la Générale de
Banque et le Palais royal, ndlr) à Neufchâteau des autobus pleins de violeurs
haut placés (ricane).
Humo: Duterme demande en fait " La gendarmerie est-elle capable de s'occuper
de délits impliquant plus de trois à quatre personnes ? Où étaient le
général Willy Deridder et le colonel Henri Berckmoes, les intellectuels
progressistes de la gendarmerie ? Ceux-ci ont-ils entrepris quelque chose
pour vous défendre ?
De Baets: Berckmoes a dit un jour à Duterme "Ne réglez pas vos comptes
en vous servant de ces dossiers, s'il vous plaît, arrêtez vos conneries".
Duterme a immédiatement écrit une lettre à la hiérarchie de la gendarmerie,
mentionnant que comme chef d'une unité territoriale, il ne voulait pas
recevoir d'ordres d'un supérieur purement administratif. A ma connaissance,
Berckmoes n'a pas insisté. Mais il avait compris.
Humo: Mais l'incrédulité quant au témoignage des X, c'est quand même normal
?
De Baets: Naturellement, on peut ne pas croire. Mais il faut laisser travailler
ses hommes, hein. J'ai, à l'époque, participé à l'enquête sur l'affaire
Kirschen: argent noir et fraude massive dans le secteur diamantaire à
Anvers. A un moment, nous buttions sur un compte caché sur lequel se trouvaient
des dizaines de milliards. Qu'aurions-nous dû faire si tout le monde s'était
écrié à ce moment-là: "Des dizaines de milliards, ce n'est pas possible
?" Arrêter ? On referme tout et retour à Bruxelles ? Le juge d'instruction
était déjà revenu une fois d'Anvers en disant qu'il n'y avait rien chez
Kirschen et Cñ. Kirschen était le plus grand sponsor du parti libéral,
le PVV. Le dirigeant de Kirschen, Hilaire Beelen faisait partie du comité
financier du parti, de même que le gourou Willy De Clercq. Il n'y avait
pas de juge d'instruction plus bleu que Guy Bellemans. Donc il ne se passait
rien. De même avec les obus de Freddy Vreven, jusqu'à ce qu'un juge d'instruction
libéral, Bruno Bulthé, mène l'enquête.
Humo: Quand Duterme et ses fidèles ont-ils commencé à "relire" les déclarations
des X ?
De Baets: Duterme dit qu'en février 1997 il a procédé lui-même à une première
relecture du dossier. Il a ajouté des annotations en marge. On n'en croit
pas ses yeux. Duterme est un francophone qui ne connaît pas le néerlandais,
et les PV de Regina Louf sont tous rédigés en néerlandais. Regina Louf
dit à un moment donné : " J'avais environ quatre ans ". (" Ik was een
jaar of vier ", en flamand). Duterme souligne le mot "un" et ajoute: "Il
est impossible que quelqu'un se souvienne d'événements qui se sont produits
quand il avait un an." Voilà le niveau de la première relecture par Duterme.
Une deuxième lecture a eu lieu, par des enquêteurs dirigés par un collègue
de la gendarmerie Baudoin Dernicourt. Mais cette équipe avait été désignée
par Duterme lui-même. Ils travaillaient aussi sur base des annotations
de Duterme et ils n'osaient naturellement pas contredire leur chef. Le
résultat est tout aussi hilarant que celui de la première relecture. Le
rapport du 2 juillet 1997 a été établi sur base de cette deuxième relecture.
Ce fameux rapport a été transmis aux juges d'instruction JeanClaude Van
Espen et Jacques Langlois. Il a fait l'objet de fuites, probablement du
parquet de Bruxelles vers VTM, et de là vers le reste de la presse. (Les
journalistes de VTM Faroek Ozgunes et Jeroen Wils reconnaîtront par la
suite que "la magistrate de confiance" Paule Somers leur avait donné à
voir "en toute confidence" ce rapport " confidentiel " ndlr). Sur la première
page de ce rapport on trouve déjà trois faux en écriture. Ensuite, on
fabriqua même des PV dans lesquels les mots de Regina Louf étaient transformés.
Un de ces PV parut textuellement dans l'hebdomadaire Knack du 3 juin.
En le lisant, je devais admettre moi-même: De Baets pose vraiment des
questions très suggestives ! (rit, soupire, puis se tait). Tous les moyens
étaient bons, hein.
Humo: Nous sommes alors en été 1997. La fin approche.
De Baets: Oui. Le 20 juin le juge d'instruction Van Espen, la magistrate
Paule Somers, le commandant Duterme, son adjoint Jean-Luc Decker et les
" relecteurs " Philippe Pourbaix et Baudoin Dernicourt tiennent une réunion
secrète, au cours de laquelle il est décidé que Van Espen va adresser
une lettre au commandement de la gendarmerie, pour se plaindre de moi
et de mon équipe. Le 22 juin Van Espen écrit la lettre qui arrivera à
la gendarmerie le 24 juin. On décide immédiatement que l'enquête sur le
meurtre de Christine Van Hees, le dossier de la champignonnière, doit
être arrêtée.
Humo: Que vous reproche Van Espen dans cette lettre ?
De Baets: Mon nom n'y apparaît même pas. Van Espen m'a déclaré plus tard
qu'il n'avait rien pu écrire à mon sujet. Cet homme a mené avec moi ses
meilleures enquêtes. Il me connaît par cour. Et je pensais le connaître.
Dans sa lettre du 22 juin, il s'en prend à "des membres de l'antenne Neufchâteau",
et il nous reproche grosso modo trois choses: que nous aurions mené une
enquête parallèle avec le conseiller Etienne Marique, que nous aurions
retenu des informations, et que nous aurions mal accompli certains devoirs
qu'il nous avait demandés.
Humo: Comment Van Espen pouvait-il vous reprocher d'avoir travaillé avec
Marique ? Ce magistrat travaillait pour la Commission d'enquête Verwilghen.
S'il vous demandait quelque chose, vous étiez quand même obligés de répondre
?
De Baets: Quelqu'un avait envoyé une lettre au président de la Commission
Dutroux Verwilghen au sujet de liens supposés entre Michel Nihoul et l'ex-premier
Paul Vanden Boeynants. Le conseiller Marique m'a demandé si je voulais
mener une petite enquête préparatoire sur l'auteur de la lettre, qui il
était, s'il était fiable etc. J'ai fait les contrôles administratifs normaux
et j'en ai transmis les résultats à Marique. Il s'agissait de l'exploitant
d'une boite de nuit où Nihoul se rendait régulièrement. En mai 1997, Marique
auditionna le bonhomme. Après cela, il me téléphona et me dit que cela
pouvait être intéressant pour nous de parler avec ce monsieur. Son témoignage
concernait une affaire que VDB et Nihoul auraient réalisée ensemble, du
trafic de cigarettes de Bulgarie vers l'Italie en passant par la Belgique.
Humo: VDB a toujours eu de très bons contacts commerciaux dans les pays
de l'Est.
De Baets: Il s'agissait de fausses Marlboro qui arrivaient de Bulgarie,
étaient planquées quelque part à Ternat, cachées dans des balles de coton
et ensuite exportées vers l'Italie. D'après le témoin, VDB était le commanditaire
du trafic. A un moment donné, le transporteur s'est fait arrêter à la
frontière italienne. Et qui négocia avec la douane italienne ? Nihoul.
Le transporteur a été laissé en liberté. J'ai recommencé à enquêter sur
cette affaire et j'ai constaté que ce dossier existait bel et bien. L'affaire
avait été traitée à l'époque par la brigade de recherche de la douane
de Bruxelles. Il y a même eu des arrestations, mais elles n'ont touché
que les intermédiaires.
Quel était l'intérêt potentiel de cette affaire pour moi ? Regina Louf
parlait d'événements dans les années septante dans lesquelles des politiciens
bruxellois auraient été impliqués. Cela pouvait être l'illustration du
fait que Nihoul et VDB étaient déjà dans la course. Mais Philippe Deleuze,
l'ex beau-frère de Van Espen, apparut aussi dans cette histoire, donc
vous devinez la suite.
Humo: La lettre de Van Espen signifiait la fin de l'enquête Christine
Van Hees, mais elle annonçait aussi votre éloignement de l'antenne de
Neufchâteau et de la BSR
De Baets: Le 11 juillet 1997, le juge d'instruction de Neufchâteau Jacques
Langlois rédige une apostille, un ordre de " relire " les déclarations
des témoins X. Il y mentionne expressément que les déclarations ne peuvent
pas être relues par ceux qui ont procédé aux interrogatoires. Je ne peux
donc par relire X1, mais je pourrais relire X2. Langlois ne m'écarte pas
de l'enquête. Mais le commandant Duterme ne l'a pas compris ainsi. Le
20 août 1997, il décide d'éliminer mon équipe et l'équipe d'enquête. Il
en informe par lettre le procureur Michel Bourlet et le juge d'instruction
Langlois. Bourlet informe immédiatement par lettre Langlois qu'il n'est
pas d'accord. Plus tard il dira qu'il a dû céder à une forme de chantage
de la part du commandement de la BSR de Bruxelles pour écarter certaines
personnes de l'enquête.
Mais Duterme n'en est pas troublé pour autant, et la hiérarchie de la
gendarmerie le couvre. Le 26 août 1997, le chef de la BSR de Bruxelles,
Jean-Marie Brabant confirme ma mise à l'écart dans une note à Bourlet
et Langlois. Mais comme ils ne sont pas tout à fait sûrs que Bourlet et
Langlois vont accepter cela, Duterme dépose le même jour une plainte contre
moi pour "faux en écriture par fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions."
Ils font immédiatement ouvrir un dossier au parquet et voilà, ils ont
une raison de me jeter: tant que dure l'instruction, je ne peux pas continuer
à travailler dans une autre enquête.
Humo: Le prétexte à la plainte de Duterme était la fameuse photo P10 :
Regina n'aurait pas reconnu Christine Van Hees parmi une série de photos
qui lui étaient présentées. Elle aurait désigné une autre jeune fille
comme étant Christine Van Hees, et vous ne l'auriez pas mentionné dans
votre procès verbal. Vous vouliez cacher cela aux magistrats.
Patrick De Baets: Le 6 décembre 1996, un procès verbal est dressé par
Philippe Hupez. Dans ce procès verbal se trouve ce qu'il faut: que P10
n'est pas Christine Van Hees. Le PV est remis par porteur au juge d'instruction
Langlois à Neufchâteau le 10 décembre et le 29 décembre il est remis au
parquet de Bruxelles, au magistrat Paule Somers. Ce PV est également mentionné
dans ce qu'on appelle la " synthèse opérationnelle " que chaque personne
qui était concernée par l'enquête a reçue: ma hiérarchie à la BSR, les
différentes équipes d'enquêteurs de la gendarmerie et de la PJ, les juges
d'instruction, les parquets de Neufchâteau, Bruxelles, Gand et Anvers.
Que veulent-ils dire par " cacher " aux magistrats" ?
Humo : La plainte de Duterme n'était donc basée sur rien ?
Patrick De Baets (un peu nerveux pour la première fois): Duterme a écrit
n'importe quoi. Il ne savait pas quoi dire. Il avait reçu l'injonction
péremptoire de saborder l'enquête à tout prix. Il a fini par admettre
que le PV sur la photo P10 avait été établi correctement, mais que par
malveillance nous l'aurions retenu à l'égard du juge d'instruction Van
Espen. Alors que nous ne travaillions même pas pour Van Espen à l'époque
! Nous travaillions pour le juge d'instruction Langlois à Neufchâteau.
Malgré tout, Van Espen a reçu le PV, le 20 janvier 1997, avant même d'être
désigné à nouveau comme juge d'instruction pour le dossier de la champignonnière,
mais Duterme ne s'en était même pas rendu compte. C'est comme cela qu'il
m'a attaqué.
Humo: Suite à cette plainte, le juge d'instruction bruxellois Pignolet
a ouvert une enquête à votre sujet ; elle dure depuis deux ans.
De Baets: Alors qu'il aurait pu clore son instruction après dix jours.
Encore plus fort: le 30 septembre, le dossier du parquet était transmis
à Pignolet. Dès ce jour, il savait que je n'avais pas commis de faux en
écriture. J'étais chez lui. Je lui expliquai où, quand et par qui le PV
P10 avait été rédigé. Le 12 septembre, Pignolet auditionna Duterme, qui
admit que le PV existait bien. Malgré cela, Pignolet poursuivit l'enquête.
Humo: C'est pour le moins, l'Absurdistan.
De Baets: Je pourrais vous en raconter pour tout un livre.
Le 4 décembre 1996 nous avons reçu du Parquet de Bruxelles nos premiers
devoirs d'enquête dans l'affaire de la champignonnière, après que le magistrat
national Patrick Duynslaeger ait remis le dossier au magistrat Paule Somers.
Savez-vous ce dont on nous accuse après coup ? De n'avoir informé le parquet
au sujet de la champignonnière que le 2 janvier 1997. Essayez de vous
défendre contre des accusations aussi insensées.
Autre exemple: une des questions du juge d'instruction Pignolet aux enquêteurs
était: "Examinez l'implication de De Baets ou de son père, dans le meurtre
d'Alexandre Galopin, directeur de la Société Générale et grand-père du
Baron Benoît de Bonvoisin." Ce meurtre a été commis le 28 février 1944.
Je suis né en 1952. J'ai reconnu que je n'avais pas commis ce meurtre
! Ensuite, ils ont tenté de démontrer que j'avais été en classe avec Regina
Louf. Apostille du juge d'instruction: "Veuillez entendre De Baets au
sujet de ses études et vérifiez ses déclarations." Hop, une brigade en
folie fonça à mon ancienne école et plongea dans les archives. Regina
Louf - qui est née en 1969 - soit 17 ans après moi déclare que lors d'une
audition, on lui a posé la question: "Avez-vous été en classe avec Patrick
De Baets ?" Quand j'étais en première année de kinésithérapie, Regina
Louf avait un an. J'ai ces pièces. Je peux le prouver ! Un juge d'instruction
gagne environ 200.000 francs par mois.
Humo: Dans une entreprise normale, un Pignolet serait vite renvoyé chez
lui avec son C4.
De Baets: Le Baron Benoît de Bonvoisin - un homme à l'emprisonnement duquel
j'ai contribué - est allé trouver Pignolet et lui a raconté que mon père
était un collaborateur. Pignolet s'est renseigné auprès de la gendarmerie
et là on lui a répondu : "Ce n'est pas vrai, le père de De Baets était
un résistant, voici son numéro d'affiliation au Front Indépendant. Pignolet
disposait de cette information sur papier. Il me fait quand même convoquer
un midi : audition au sujet de mon père. "Votre père était-il un collaborateur
?" "Non, mon père était un résistant". "Pouvez-vous le prouver ?" "Oui"
Je vais chez ma mère et y cherche dans le grenier tous les documents possibles
au sujet de mon père comme résistant. Son adhésion à l'armée parallèle,
son évasion de la prison de Gand, ses décorations, ses obsèques avec les
honneurs militaires, une photo de moi lors des funérailles, alors que
je pose sur le cercueil le coussin avec ses décorations. Je copie tous
ces documents et les fais parvenir à Pignolet. Par après, au moment où
j'ai accès au dossier, je m'aperçois que Pignolet était au courant de
tout cela. (Silence). Thérapie occupationnelle, hein. Humilier les gens,
les diminuer, les casser psychologiquement, et tromper l'opinion publique
à l'aide de quelques journalistes qui se laissent manipuler sciemment.
La gendarmerie est aussi au courant, mais n'a jamais réagi à tous ces
mensonges que " Le Soir illustré ", " La Dernière Heure " et " Knack "
ont publié à mon sujet.
Humo: Christine Dekkers, l'actuel procureur général d'Anvers, a déclaré
un jour qu'il faudrait calculer tout ce que ces enquêtes sur base des
déclarations des X ont coûté. Son éminence le procureur général devrait
aussi calculer combien toute cette enquête inutile à votre sujet a coûté.
De Baets: A un moment donné ils sont allés tourner en hélicoptère au dessus
d'une maison que loue ma femme à Wetteren. Ils voulaient prouver qu'elle
exploitait un bar. Le frère de l'actuel commandant de la gendarmerie,
Hermann Franssen, avait eu cette idée. Ce frère est le chef-adjoint de
l'inspecteur de la gendarmerie. Il dirigeait l'enquête à mon sujet. A
un moment donné, dix hommes travaillaient sur ce dossier. Il comporte
environ dix mille pages. Evidemment que ça a coûté de l'argent.
Humo: En juillet 1998, vous êtes encore accusé d'avoir violé le secret
professionnel. Vous auriez fait des révélations à Claude Eerdekens, chef
de groupe PS et membre de la Commission Dutroux. Il l'avait lui-même déclaré
à Pignolet.
De Baets: Le cas Eerdekens est jusqu'à présent la seule inculpation qui
ait résulte de l'enquête de Pignolet, mais je viens d'apprendre que le
parquet ne veut pas non plus nous inculper pour cette blague-là, car c'en
est une. L'affaire passerait seulement en chambre du conseil en octobre,
Pignolet n'a pas eu le temps avant. Pour laver notre honneur il y a rarement
le temps.
Humo: Quelle enquête est encore en cours à votre sujet ?
De Baets: L'enquête mammouth de Pignolet est terminée depuis début juin
de cette année et le dossier transmis au parquet. Ce parquet doit maintenant
décider si nous devons comparaître devant le juge ou non. Le procureur
Benoît Dejemeppe a déjà pris connaissance du dossier. On nous a déjà informé
qu'il n'y aura aucune inculpation contre Aimé Bille ou moi-même, mais
on veut encore voir si nous n'avons commis aucune faute déontologique.
Dejemeppe a aussi déclaré qu'il ne pourrait traiter cette affaire avant
la fin de l'année, donc classer sans suite. Ils ne veulent pas reconnaître
sur papier que l'enquête à mon sujet est terminée et qu'elle n'a rien
donné.
Humo: On ne se presse pas. Dans votre cas l'arriéré judiciaire ne doit
pas être rattrapé?
De Baets: On a fait croire à la population qu'il s'agissait de faits très
graves, n'est-ce pas. Et maintenant il leur va falloir reconnaître qu'il
n'y a rien. Il faut que cela ne se remarque pas trop. C'est pareil pour
l'enquête disciplinaire que la gendarmerie mène à mon sujet. Elle est
en cours depuis 25 mois, et cela dure. Le mot d'ordre est : " gagnons
du temps, parce que si nous devons reconnaître maintenant qu'il n'y a
rien, nous nous rendrons ridicules ".
Humo: Il n'y a vraiment rien du tout ?
De Baets: Si, il y a quelque chose: j'ai été impoli envers le juge d'instruction
Pignolet. Le 3 novembre 1998, il m'a appelé pour la xième fois. L'ordre
est tombé: "Demain à treize heures dans mon bureau pour une audition".
J'ai répondu "Cela n'ira pas, parce que je dois accompagner ma femme à
la clinique." Elle devait subir une grosse opération. J'ai donc dit à
Pignolet: Si vous voulez vraiment me voir, vous devez signer un mandat
d'arrêt et me faire arrêter à la clinique de Gand." Il a marmonné quelque
chose comme "Je dois aussi faire mon travail." Et là je me suis fâché.
J'ai gueulé: "Débrouillez-vous avec votre brol. Et si vos petits indiens
viennent me chercher, veillez à ce qu'ils soient armés, parce que celui
qui ne me laisse pas tranquille demain, je lui tire dans les couilles."
C'était un moment où j'en avais tellement marre que cela ne pouvait plus
rien me faire. (Il réfléchit, tire sur sa cigarette). Des moments pareils,
vous ne pouvez pas en avoir beaucoup, parce qu'ils vous envoient au trou.
Pignolet était donc très heureux de mon éclat. Il a immédiatement dressé
un joli petit procès verbal. Hop, tout de suite au parquet général. Cela
m'est maintenant resservi dans l'enquête disciplinaire: " usage de langage
non-diplomatique à l'encontre d'un juge d'instruction ".
Humo: Si vous apparaissez maintenant comme innocent, alors des gens comme
le procureur Dejemeppe, la substitute Paule Somers, les juges d'instruction
Pignolet et Van Espen, le commandant Duterme, le lieutenant-major (vérifier)
Brabant, le commandant de district Torrez, ainsi que le général de la
gendarmerie devraient au moins être sanctionnés. A l'aide d'un gaspillage
gigantesque des deniers publics et d'occupation des hommes, ils ont bousillé
une enquête et ont trompé l'opinion publique.
De Baets: En effet.
Humo: Et ils ont démoli, moralement et en partie physiquement, des gens
qui faisaient leur travail. Pas rien que vous, mais aussi Gregory Antipine,
le bras droit de Georges Marnette a mis fin à ses jours.
De Baets: Antipine avait peut-être un autre problème. Il avait peut-être
peur de la vérité qui, tôt ou tard, devrait quand même se faire jour.
Je n'ai pas peur de la vérité. Elle est de mon côté.
Humo: Etes-vous convaincu que les X sont neutralisées pour une sorte de
raison d'état ? Cela devait s'arrêter, cela ne pouvait pas sortir, parce
que cela pouvait déstabiliser le pays ?
De Baets: Si dans cette affaire nous n'avons pu aller jusqu'au bout parce
qu'on voulait protéger certaines personnes haut placées, alors c'est très
grave, hein. Cela voudrait dire que nos institutions sont devenues les
protectrices de la perversité et de la perfidie. (Hésitation). Je ne sais
pas. A mon avis, l'enquête a été sabotée à un échelon plus bas, par des
gens qui ont fait partie de l'entourage de Nihoul, et qui ont des entrées
et des amis parmi les services de police et la magistrature. Et qui entretiennent
de bons contacts avec la presse, parce que la presse a dû relayer l'idée
que "ce n'est pas possible" jusque dans la population.
Humo: Vous devez avoir envie d'en découdre avec la presse. Ils vous ont
mis à mort et ont radoté à votre sujet. Sans le soutien d'une certaine
presse, Duterme et Cñ n'auraient jamais pu vous démolir.
De Baets: Oui, c'est pour cela que nous sommes en train de donner des
sueurs froides à un grand nombre de vos confrères. Nous avons lancé des
procédures pénales et civiles contre Le Soir Illustré, La Dernière Heure,
Télémoustique, Le Vif-l'Express, Père Ubu, La Meuse/La Lanterne, La Nouvelle
Gazette, et même toute une série contre Knack. Nous avons déjà gagné la
cause contre Pan. Ils se souviendront encore longtemps de ce qu'ils ont
écrit à mon sujet. Et quand tout cela sera derrière le dos, Aimé Bille
et moi-même allons citer l'Etat belge et la gendarmerie. Nous exigerons
25 millions. Chaque franc sera parfaitement justifié. A ce jour nous avons
déjà dépensé plus de six millions en honoraires d'avocats, alors qu'étant
"inaptes au travail", nous gagnons 30 à 40 mille francs de moins par mois.
Et les grands procès sont encore à venir, donc, la note d'avocat dépassera
les 10 millions.
Mais il ne s'agit pas d'argent. Ils ont brisé deux ans de nos vies. Ils
ont brisé notre carrière, ruiné notre santé, foutu notre vie privée en
l'air en rompu notre confiance dans la justice.
(Après un long silence) Savez-vous ce que je trouve le pire ? Après avoir
refermé les dossiers X, ils sont allés interroger Dutroux et Nihoul sur
les déclarations de Regina Louf. Pour pouvoir fermer tout à fait cette
porte, en quelque sorte. Mais ceux qui les ont entendus n'avaient pas
pris la peine de se préparer. Ils ont donc simplement demandé à Nihoul
et Dutroux: "Est-ce vrai, tout ce qu'on trouve dans la presse au sujet
des X ?" Que pensez-vous qu'ils ont répondu ? "Mais non ! Ce ne sont que
des bêtises! L'erreur judiciaire du siècle !"
C'est cela, la justice belge: Dutroux et Nihoul peuvent tranquillement
dire que rien n'est vrai, et on les croit. Et on n'utilise plus les moyens
nécessaires contre eux. Ceux-ci sont consacrés à démonter ce fou de De
Baets et cette folle de Regina Louf. Tandis que Dutroux et Nihoul sont
des gens raisonnables à qui on peut simplement demander ce qui est vrai
et ce qui ne l'est pas.
(Interview : Danny Illegems et Raf Sauviller)
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