LE TEMOIN ITALIEN QUE MOSCOU N'AIMAIT PAS
octobre 2000 |Le Courrier International | | ANTONIO
 
Lundi 16 octobre, au petit matin, le corps du journaliste italien Antonio Russo est retrouvé sur le bord d'une route près d'Udzharma, un village de Géorgie à 40 km de Tbilissi. Selon sa mère, Beatrice Russo, il avait les mains liées derrière le dos et la bouche fermée par du ruban adhésif.

D'après l'autopsie, Russo présentait des fractures mortelles au torse provoquées probablement par une barre en fer. Selon la police géorgienne, citée par La Repubblica, Russo a bel et bien été assassiné. Russo vivait dans la capitale géorgienne depuis juillet et couvrait la Tchétchénie pour le compte de Radio Radicale, la radio du Parti radical. Toujours selon le quotidien romain, il avait "des centaines de mètres de film sur les exactions commises par les troupes russes en Tchétchénie. Et puis des interviews, des témoignages des enquêtes". Son appartement a été cambriolé dans la nuit de dimanche à lundi. Son téléphone satellitaire, ainsi que son ordinateur et tous les documents tournés ou réalisés depuis son arrivée dans le Caucase ont disparu. Parmi ceux-ci, une cassette vidéo remise à Russo probablement par des combattants tchétchènes et qui prouverait l'usage par les troupes russes d'armes "interdites par les conventions internationales".

La Repubblica raconte qu'Antonio Russo "avait couvert par le passé les massacres en Algérie, le génocide au Rwanda, le drame des réfugiés colombiens. Il avait 'fait' le siège de Sarajevo et l'Ukraine de l'après-Tchernobyl. Dernièrement, il avait été un des rarissimes journalistes présents au Kosovo pendant les frappes de l'Otan". Certains de ses films et de ses photos ont été envoyées au Tribunal international de La Haye, qui enquête sur les crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie.

La mort d'Antonio Russo, comme le rappelle Il Foglio, "a fait éclater au grand jour le différend entre le Parti radical transnational (PRT), le mouvement de l'ancien commissaire européen Emma Bonino, et le gouvernement russe". Depuis le mois de mai le Kremlin a engagé une bataille sans merci contre le PRT, dont le bureau moscovite, situé à deux pas du boulevard Tsvitnoy et ouvert en 1989, est très actif. Une bataille, rappelle le quotidien milanais, qui "se joue dans les salles molletonnées du Palais de verre de l'ONU, à New York, à coups de motions, de paperasse, de votations, de manoeuvres diplomatiques et de lobbying". Une bataille qui a vu une première défaite de Moscou le 18 octobre, lorsque le Comité économique et social de l'ONU, dont dépendent les ONG, a rejeté par 23 voix contre 20 la motion proposée par la Russie avec le soutien actif d'alliés aussi divers que la Chine, Cuba et le Soudan et visant à suspendre le statut consultatif du PRT du auprès des Nations Unies. Les autorités russes reprochent entre autres aux radicaux d'avoir donné la parole à Akhiad Idigov, président du comité des affaires étrangères du Parlement tchétchène, devant la commission des droits de l'homme, en avril, à Genève. Le PRT est engagé depuis 1995 sur le front tchétchène, dénonçant les exactions des troupes russes et demandant la fin de la guerre. Les responsables du PRT - dont Antonio Russo - ont recueilli de nombreux documents et témoignages pour prouver les exactions russes en Tchétchénie, certains desquels ont été à la base des enquêtes du Conseil de l'Europe sur les violations des droits de l'homme dans la république russe du Caucase.