Dans ce livre, je parle à peine ou pas du tout de ma soeur parce qu'elle veut rester en dehors de tout ça. je respecte sa volonté, mais je la regrette - la première raison est qu'à cause de cela je n'ai pas l'occasion de raconter mon histoire dans sa totalité. Cependant, je ne peux pas eviter de l'évoquer de temps à autre. Mais à vrai dire, en dépit de cette restriction, cela reste mon histoire. Pendant le procès devant le tribunal de Zutphen, la plupart des gens que j'avais accusés ont nié les faits, alors qu'antérieurement ils avaient passé des aveux détaillés, sur lesquels ils sont ensuite revenus. On m'a expliqué qu'il semblait difficile de prouver juridiquement la majorité des sévices dont j'avais été la victime. "Pour des raisons d'atteinte à la vie privée", comme on dit si joliment. C'est pourquoi, en accord avec l'éditeur, j'ai décidé de changer les noms de la plupart des personnes concernées. Je trouve lamentable que la preuve juridique ne puisse pas être établie dans tous les cas. S'il est apparemment possible de contester bêtement mes accusa tions, alors je ne demande plus le droit de raconter mon histoire comme je l'ai vécue. je livre donc mes impressions dans ce livre. J'ai fait de mon mieux pour tout raconter avec le plus de lucidité possible. Mais celui qui ouvre ce livre comprendra, j'espère, pourquoi tous les événements de ma vie ne sont pas présentés dans l'ordre. Donc à ce sujet, je n'en veux pas aux spécialistes qui ont étudié mes dossiers s'ils veulent prouver que Pâques ou Trinité ne tombe pas le même jour. je ne veux pas non plus montrer en priorité comment tout s'est précisément passé, je veux montrer d'abord que cela s'est passé. Je dois raconter mon histoire. Tout d'abord pour mes compagnons d'infortune que je connais mais aussi pour ceux que je ne connais pas et qui n'osent pas porter plainte de peur de ne pas être crus. S'il y a un sentiment que je connais bien, c'est la peur. je l'ai refoulée , comme j'ai appris à refouler beaucoup de choses. Mais je peux promettre une chose: celui qui en sort peut compter sur mon soutien. janvier 1994 |