Chapitre 12 

Voici comment j'en suis venue à faire mes premières déclarations. Wouter et Lakei avaient retrouvé ma trace dans cette petite maison au camping de Herten. J'ai habité quelques jours chez ma soeur parce que je ne me sentais pas en sécurité. Début octobre, je roulais à vélo entre sa maison et le camping. Une voiture rouge me suivait, j'ai donc pris un chemin de sable, parce que, selon moi, elle ne pourrait pas m'y suivre. C'était évidemment idiot. Cette voiture a continué à me suivre, et à un moment, elle m'a dépassée et s'est arrêtée devant moi.

C'étaient Wouter et Lakei. Ils m'ont fait tomber de vélo et Wouter a dit: "Je veux te sauter." Il a jeté mon vélo à terre et m'a violée pendant que Lakei le récupérait. je n'osais pas broncher, j'avais terriblement peur d'eux. Il y avait quelques maisons à proximité, mais personne dehors. Ensuite, Lakei m'a violée à son tour pendant que Wouter regardait.

Lorsqu'ils ont été satisfaits, ils m'ont menacée. Ils me tueraient et me priveraient de mes enfants si je les dénonçais. Je me suis dépêchée de rentrer chez ma soeur et là j'ai remarqué que j'avais perdu les clés de ma maison. Elles avaient dû tomber de ma poche pendant le viol. J'ai appelé la police : peut-être m'aideraient-ils à les retrouver. Ils ont dit que je pourrais y aller le lendemain, quand il ferait jour. Bref, ils m'ont envoyée.sur les roses, mais ma soeur a dit:

"Nous n'allons pas rester sans agir. Si ces sales types les trouvent avant nous, ils iront t'attendre chez toi. " Elle a rappelé le commissariat et un peu plus tard, j'ai pu aller chercher mes clés en compagnie de deux agents.

L'un a remarqué: "Il s'est passé quelque chose ici, je vois beaucoup de traces de freins."

Mais je n'ai pas réagi, je me préoccupais seulement des clés. Dès que nous les avons trouvées, nous sommes partis, et sur la route, la discussion a repris; je n'ai toujours pas réagi. J'avais si peur: si mes enfants étaient quand même enlevés, si je ne les voyais plus... je ne pourrais plus vivre, je n'en aurais plus de raison. Mais comme ils insistaient tellement, je leur ai révélé certaines choses sur mon passé et je leur ai demandé si je pouvais faire une déclaration.

L'agent a dit que je devais prévenir l'assistance sociale pour déclencher la procédure. Quand il m'a demandé si je pouvais en dire plus, j'ai avoué que j'avais trois enfants et que j'en avais eu six, de pères différents, peut-être des amis de mon mari. Il a toujours pensé que j'avais eu au total six enfants... pas de quoi en faire un drame. Alors j'ai osé dire qu'il y avait beaucoup plus en jeu qu'un inceste. L'agent a heureusement pris note et c'est important. À l'occasion de ce procès-verbal, nous avons constaté qu'ily avait à proximité immédiate de l'endroit où se trouvaient les clés des traces fraîches de pneus de voiture sur le chemin de terre Cette voiture se dirigeait apparemment vers Emst. C'était visible aux empreintes des roues. Nous avions la ferme présomption qu'il s'était passe quelque chose à l'endroit donné. ( .. ) Nous l'avons confrontée aux traces ci-dessus mentionnées et lui avons demandé ce qui s'était passé (..) nous lui avons aussi fait savoir que nous la soupçonnions de ne pas nous avoir tout dit.

(..) Généralement Yolanda S. ne donnait pas suite à nos questions. (..) Quand elle a pris place dans la voiture et que nous l'avons ramenée (..) elle nous a raconté qu'elle avait été maltraitée par son mari et qu'elle avait eu six enfants dont trois n'étaient plus en vie. Ces enfants étaient selon elle de pères différents, probablement d'amis de son mari. Ensuite elle a demandé si elle pouvait faire une déclaration sur l'inceste qu'elle a subi de son père et de son frère. (..) (procès-verbal, oct. 1990)

Le viol par Wouter et Lakei et les événements survenus quelques jours plus tard chez mes parents ont provoqué le déclenchement de l'affaire, cet automnelà. Robert continuait d'insister pour que j'aille à la police; ce ne serait qu'un mauvais moment à passer.

Le 10 octobre 1990, ma mère m'a appelée chez ma soeur, elle voulait me parler. Je n'avais plus vu mes parents depuis deux mois. Elle m'a demandé si je voulais lui parler du divorce ; ainsi, elle pourrait entendre mon point de vue. Elle m'a dit que Wouter et un assistant social de l'usine où il travaillait seraient présents. Ce dernier se chargerait des allocations familiales. C'est ce dernier argument qui m'a fait accepter: je n'avais plus un sou.

J'ai dit: "Bon, très bien, à condition que cet homme vienne réellement. " Ils devaient être là à sept heures, moi je devais arriver à sept heures dix à Ganskamer.

C'était un endroit répugnant, sentant la pisse, tout collait et adhérait dans une couche de crasse. Dans l'évier, une vaisselle de deux ou trois jours. Le frigo était plein de nourritures avariées. Si on l'ouvrait, il en sortait une odeur de moisissure. Tout se délabrait dès qu'ils ne m'avaient plus sous la main, moi, leur femme de ménage gratuite.

Mais il n'y avait ni Wouter ni assistant social. J'étais assise avec mes parents et on n'a pas abordé le sujet. Oui, nous avons parlé, du programme à la télévision, des potins des environs, mais pas de ce dont je voulais parler.

J'ai demandé s'ils allaient arriver.

Alors mon père a dit: "Non, nous avons une surprise pour toi. Viens voir. "

Il parlait sur un tel ton que je n'avais aucun soupçon. Dans le couloir, il m'a agrippée par-derrière. Il M'a retournée et m'a tirée par les cheveux jusqu'à ce que je tombe à genoux devant lui. Alors il a posé le pied sur ma cuisse pour m'empêcher de m'échapper et il m'a ordonné de lui faire une pipe. La police a constaté plus tard le bleu sur ma cuisse. Voilà donc ce qu'étai-t ma surprise. Ma mère se trouvait dans l'entrebâillement de la porte entre le couloir et la cuisine, à regarder et à rire. J'ai pris ma veste et mon sac et j'ai crié que je porterais plainte.

Ils riaient.

Il a dit: "Tu peux toujours revenir!"

Et elle : "La porte est toujours ouverte pour toi !"

Au sujet de l'agression qu'a subie Yolanda le 10 octobre, je peux vous dire que les jours précédant cette date, j'ai dit plusieurs fois à ma femme : "Je baiserais bien à nouveau Yolanda. " Elle a réagi ainsi: "Ah! c'était le bon Yolanda viendrait le soir j'ai compris par ce coup de téléphone que je devais rentrer plus tôt à la maison et que le soir j'allais m'envoyer en l'air avec Yolanda. Je sentais que ma femme aussi en avait à nouveau envie. (Arie, procès-verbal du 18/10/1990)

Je suis revenue complètement bouleversée chez ma soeur. je n'ai pas pu entrer parce que son mari était là avec deux amis. Elle a appelé la police, qui m'a invitée à venir au commissariat porter plainte.

J'ai dit que si Arhend et De Vos l'enregistraient, je partirais. J'ai fait ma déposition devant un agent et Irène Wever. je leur ai raconté ce que mes parents venaient de me faire à Ganskamer, et qu'auparavant cela avait été bien pire. Que mon père et mon frère n'y étaient pas étrangers. À peine deux jours plus tard, j'ai osé raconter que ma mère tenait le premier rôle, que j'avais très peur qu'ils ne me croient pas. J'ai d'abord dû expliquer pourquoi j'avais menti en 1982.

J'ai dit : "Je n'ai pas menti, cela s'est vraiment passé. Seulement, ces histoires ne correspondant pas à ma première déclaration, j'ai dû déformer les faits." Quand j'ai eu fini, ils m'ont demandé si j'étais la seule à la maison à avoir subi ce genre de sévices.

Je me suis tue. Ils ont dit: "Demande à ta soeur de faire une déclaration pour confirmer au moins ce que tu lui as raconté; ensuite nous verrons. "

Le soir, j'ai demandé à ma soeur d'y aller, de témoigner sur l'épisode du poste de police en 1982, et si elle le voulait, sur sa propre vie. Elle est revenue après quatre ou cinq heures; elle avait parlé aussi de son propre passé. Grâce à cela, j'ai pu faire de plus en plus confiance à Irène et à l'autre agent, et j'ai raconté d'autres choses, entre autres sur ma mère. Quand je suis entrée pour la première fois dans le poste de police, je me suis demandé ce que j'étais en train de faire. J'avais peur de la réaction de la police, j'avais peur de la réaction de mes parents. je me sentais coupable parce que je les dénonçais, j'avais peur d'envenimer -l'affaire, et surtout, si la déclaration restait sans suite, de perdre mes enfants.

Irène m'a ramenée le soir chez ma soeur et elle m'a dit: "Ce qui doit arriver arrivera, mais je te crois et je suis avec toi. On peut te tirer d'affaire grace a cette déclaration." Mais elle a dit aussi: "En 1982, cela ne s'il est pas bien passé. Espérons que cela ne se reproduira pas."

Elle avait donc des soupçons, mais je voyais qu'elle faisait de son mieux pour me croire.

La première déposition a eu lieu le 11 octobre, et cinq jours plus tard, ils étaient tous arrêtés. Heureusement, la question du droit de visite de Wouter s'en est trouvée résolue. Les investigations ont commencé, il y a eu de plus en plus de suspects. J'ai dû parler de Wouter, du rôle de Kees Lakei, Ab Dompink, Bernard Liezer, tout le groupe.

Mes parents ont rapidement avoué, dès le deuxième ou troisième jour. Un des enquêteurs m'a dit:

"On en a vu de toutes les couleurs aujourd'hui... "

J'ai répondu: "Comment ça?"

Je croyais qu'ils voulaient blaguer. Ils ont' alors raconté que ma mère, durant l'interrogatoire, avait eu un orgasme. Le récit des tortures qu'elle nous a fait tenir le ventre. Alors elle a dit à l'enquêteur qui l'interrogeait qu'elle devait aller aux toilettes parce qu'elle était en train de jouir. Il a couru vers ses collègues, interloqué: "C'est fou, l'interrogatoire la fait jouir. " Je dois avouer que j'ai assisté à l'enquête. J'étais appelée pour un rien au poste de police. Au début, évidemment, j'étais terrorisée par De Vos, Arhend et Wolff. Mais ceux-ci, comme par hasard, détournaient la tête chaque fois que j'entrais. J'ai fini par ne plus faire attention à eux. Je devenais dingue à force d'écouter les descriptions des participants aux fêtes sexuelles. Si je me rappelais de signes distinctifs que seule leur épouse aurait pu connaître, cela servirait de preuve. je ne me souvenais malheureusement pas assez des policiers, cela s'était passé huit ans auparavant. Mais j'en savais assez sur Pligter. Il avait une cicatrice sur la fesse, mais ne me demandez pas si c'est sur le côté droit ou le côté gauche.

Peu après ma déposition, j'ai déménagé au camping de Jagerstee à Epe; à ce moment-là, mes parents, Wouter et mon frère étaient en prison. Kees Lakei n'y était pas encore.

Un soir, je suis allée à la cabine téléphonique du camping pour appeler ma soeur; je voulais savoir à quelle heure Robert venait. Dans le lointain, j'ai vu une voiture jaune, mais je n'y ai pas fait attention.

Soudain Lakei est venu vers moi. Il m'a demandé si j'avais aussi témoigné contre lui. Quand j'ai répondu oui, il m'a jetée sur le sol. Cela s'est passé devant la maison numéro 17. Des gens habitaient là, mais les rideaux étaient fermés. Il a arraché ma jupe-culotte et ma culotte et m'a violée pendant qu'il m'immobilisait les bras avec ses coudes. Je ne pouvais pas bouger. Quand il a été sur le point de jouir, il m'a forcée à lui faire une pipe. Ensuite il m'a donné un grand coup dans le flanc et a menacé de tuer mes enfants si je maintenais ma déposition contre lui.

Il a dit: "Je sais bien qu'ils sont à Vaassen au Nijntje." Nijntje était une garderie d'enfants. Sitôt libéré, il saurait bien où me trouver. Il a obtenu de moi ce qu'il voulait: je savais de quoi il était capable, j'étais donc terrorisée. je suis rentrée en courant à toute vitesse. Deux jours plus tard, Irène est venue me voir pour tout autre chose. J'avais des bleus partout.

Elle a dit: "Oh! Pourquoi as-tu tous ces bleus ? D'où viennent-ils ? " je n'ai rien dit.

"Est-ce que quelqu'un est venu ici ? " je ne pouvais que dire oui, sans préciser qui. Elle. a demandé: "Est-ce Lakei ?" J'ai alors éclaté en sanglots et avec beaucoup de difficultés, j'ai raconté ce qui s'était passé.

Avec l'accord des enquêteurs, j'ai dû aller chez le médecin afin de vérifier si effectivement les lèvres de ma vulve avaient été coupées au rasoir. C'est précisément Pligter qui devait m'examiner; je n'avais rien osé dire à son sujet.

Il a conclu qu'il n'y avait rien d'anormal, que je mentais. Une semaine plus tard, je suis allée chez un médecin de l'office municipal de la santé. Il a constaté l'une et l'autre chose. Un peu plus tard, je suis retournée avec mon assistant social chez la gynécologue à Deventer. Elle a contrôlé presque tout mon corps, apportant une nouvelle confirmation. Un rapport a été transmis au juge d'instruction. La justice ne s'est même pas demandé pourquoi Pligter avait menti.

Après le dernier viol, il mont donné un émetteur-récepteur pour que je puisse les alerter en cas de nouvelle agression. J'ai plusieurs fois fait des plaisanteries grâce à cet appareil. J'ai entendu quelqu'un d'une voiture de police demander au poste central s'il devait apporter un en-cas, un petit pain avec une croquette ou une fricadelle. J'ai pris l'émetteur-récepteur et j'ai dit :

"Pourrais-je avoir des petits pains avec des croquettes ? "

Un peu plus tard, ils sont arrivés avec deux petits pains. Parmi les policiers, je dois avouer qu'il y avait plus de personnes adorables que de salauds.

Celui à qui Lakei a emprunté la voiture jaune a refusé de reconnaître qu'il la lui avait prêtée. C'est pour cette raison que la preuve légale n'a pas été établie. S'il avait dit: "Tel jour, Lakei a pris ma voiture", ils auraient pu le condamner. Il y a tant de gens terrorisés par Lakei, qui craignent sa vengeance. J'en faisais d'ailleurs moi-même partie. Beaucoup d'habitants d'Elburg n'ont pas osé avouer que Lakei venait souvent chez nous. Tout le monde le connaissait.


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