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SOMMARIE

LA CRÉDIBILITÉ DE LA JUSTICE
Marc Reisinger

De Morgen 7 janvier 1997
DUTROUX ET NIHOUL, SOUPÇONNÉS DU MEURTRE DE CHRISTINE VAN HEES EN 1984
par Annemie Bulté et Douglas De Coninck


De Morgen 8 janvier 1998
LA JEUNE FILLE QUI ACCOUCHA EN SECRET
par Anemie Bulté et Douglas de Coninck


De Morgen 8 janvier 1998
LE 23 DÉCEMBRE '96' TREIZE PERQUISITIONS SONT PRÉVUES
par Anemie Bulté et Douglas de Coninck


De Morgen 8 janvier 1998
UNE RELECTURE PLUS FAUTIVE QUE LES AUDITIONS
par Annemie Bulté et Douglas De Coninck


De Morgen 9 janvier 1998
VAN ESPEN DESSAISI DU DOSSIER DE LA CHAMPIGNONNIÈRE
par Douglas De Coninck


De Morgen 10 janvier 1998
INTERVIEW DE REGINA LOUF, TÉMOIN X1 DE NEUFCHATEAU
par Annemie Bultéet et Douglas De Coninck


De Morgen 2 février 1998
LA COORDINATION NATIONALE DE L'ENQUÊTE X1 ÉTAIT UN GÉANT AUX PIEDS D'ARGILE
extraits de l'article de Walter De Bock


CE QU'ILS EN PENSENT


VÉRITÉS ET MENSONGES


POURQUOI FAUT-IL PRENDRE AU SÉRIEUX LE TÉMOIGNAGE DE REGINA?


QUINZE MOIS DE TÉMOIGNAGES


 


De Morgen 7 janvier 1997
DUTROUX ET NIHOUL, SOUPÇONNÉS DU MEURTRE DE CHRISTINE VAN HEES EN 1984
par Annemie Bulté et Douglas De Coninck

Le 13 février 1984, on retrouvait dans une vieille champignonnière d'Auderghem, le cadavre horriblement mutilé de Christine Van Hees (seize ans). Treize années d'enquête n'ont mené à rien. Trois mois avant la début de l'affaire Dutroux, le parquet de Bruxelles classait l'affaire sans suite. Fin 1996, le témoin X1 dénonçait au parquet de Neufchâteau Marc Dutroux, Michel Nihoul et d'autres comme les auteurs de cet acte. Grâce à des éléments très précis, X1 démontre qu'elle était présente au moment du meurtre. Malgré cela, l'enquête est dans une impasse totale aujourd'hui.

Le parquet de Bruxelles mène depuis le 27 janvier 1997, une enquête sur l'implication présumée de Marc Dutroux et de Michel Nihoul, dans le meurtre de la jeune Christine Van Hees. Le travail d'enquête de l'antenne de Neufchâteau (3e Section de Recherches Criminelles, BSR Bruxelles) mena à la réouverture de l'enquête vieille de treize ans. La première raison fut les déclarations du témoin X1. Cette jeune femme de vingt-huit ans, est entrée en contact, le 4 septembre 1996, avec le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte à Neufchâteau. X1 dit avoir été présente lors du meurtre. Elle peut le prouver au moyen d'une description très précise des lieux, de détails concernant les blessures infligées à Christine Van Hees et de données concernant la vie privée des victimes comme des auteurs des actes. Le récit de X1 s'avéra, à certains égards, plus complet que le rapport d'autopsie réalisé par les médecins légistes en 1984.

La version de X1 fut confirmée après analyse de l'ancien dossier d'instruction. Cette instruction, menée depuis 1985 par le juge d'instruction bruxellois Van Espen, contenait déjà des éléments indiquant la piste de Dutroux et de Nihoul. Une amie de Christine Van Hees déclara en 1984 à la police judiciaire de Bruxelles que la jeune fille, durant le week-end qui précéda sa mort, avait un rendez-vous avec "un certain Marc de la région de Mons". Fin 1996, il apparut que Dutroux fréquentait la même patinoire que Christine Van Hees en 1983 et 1984. En outre, il s'avéra que peu avant sa mort, la jeune fille participait à une fête de la radio libre d' Etterbeek, Radio Activité, dirigée à l'époque par Michel Nihoul.

Au cours de la nouvelle enquête, environ 300 témoins furent interrogés. Ceux-ci confirmèrent les déclarations de X1 sur des points cruciaux. Pourtant l'enquête est aujourd'hui dans l'impasse. Le 25 août 1997, l'équipe d'enquêteurs qui travaillaient à partir des déclarations de X1, fut écartée. Ceci se passa sur l'insistance du juge d'instruction Van Espen. Il doutait de l'objectivité des enquêteurs. A la demande de Van Espen, de son collègue Langlois (Neufchâteau) et du commandant de gendarmerie Duterme, on procéda à une 'relecture' de toutes les enquêtes basées sur le témoignage de X1. Cette relecture devait, au départ, durer quelques semaines, mais elle traîne depuis plus de 6 mois. X1 a à faire, depuis septembre, à un nouveau groupe d'enquêteurs. Dans une lettre adressée à la commission Verwilghen, elle se plaint - de même que sa thérapeute - de la manière dont elle est traitée depuis. X1 dit avoir le sentiment qu'on veut la "casser" émotionnellement.

Ce n'est pas seulement l'enquête Van Hees qui est à peu près à l'arrêt. C'est également le cas de cinq autres enquêtes judiciaires qui ont été ouvertes (ou rouvertes), à partir des déclarations de X1, auprès des parquets d'Anvers, Bruxelles, Gand et Neufchâteau. X1 décrit plusieurs meurtres d'enfants dont elle affirme qu'ils ont eu lieu au sein d'un réseau très étendu de prostitution enfantine. Malgré une triple "relecture" des déclarations de X1, il ne peut pas être démontré que ses informations puissent avoir une autre source que sa propre mémoire.

Les informations publiées par De Morgen à propos de ces enquêtes constituent le résultat de cinq mois de recherches.

Dutroux et Nihoul, soupçonnés du meurtre de Christine Van Hees en 1984

"C'est le clou de mon cercueil", déclarait Jean-Claude Van Espen, juge d'instruction à Bruxelles lorsqu'on lui parlait du dossier de la champignonnière. L'expression n'est pas particulièrement heureuse. Car c'est notamment grâce à un clou, que les enquêteurs de la BSR de Bruxelles ont probablement trouvé, fin 1996, la clé du mystère qui entoure l'horrible meurtre de Christine Van Hees en 1984. Très rapidement il s'avéra aussi que, même sans l'affaire Dutroux et sans le témoignage de X1, Van Espen aurait pu trouver dès 1985 la piste de Marc Dutroux et de Michel Nihoul.

Ce soir-là, le pompier Norbert Vanden Berghen vit les moments les plus mouvementés de sa vie professionnelle. "Le téléphone n'avait pas arrêté de sonner pendant toute la journée. Nous avions plusieurs incendies et accidents, et même trois en même temps à un moment donné". Nous sommes le lundi 13 février 1984. A 20 h 47 arrive un nouvel appel, via le 906. On a aperçu un nuage de fumée dans une maison de maître en ruines, sur le terrain de l'ancienne champignonnière d'Auderghem, près du campus de l'Université Libre de Bruxelles (VUB). Avant même que les pompiers ne soient sur place, un deuxième incendie est signalé dans les environs. Du soupirail de la champignonnière, s'échappe de la fumée. Tandis qu'une équipe fouille la maison abandonnée, l'autre équipe s'engouffre avec des lampes de poche dans la cave. Le lieutenant Vanden Berghen appartient à la deuxième équipe. "Nous avons vu un feu couvant sous un tas de caissettes en bois. Comme le feu était presque éteint, nous avons tapé dedans."

Origine de la mort inconnue

Ce qui apparaît alors, restera gravé longtemps sur la rétine du pompier. Il voit un tronc humain calciné. Une partie de la tête a été emportée par les flammes. Des pieds et des mains, il ne reste pas grand-chose. "C'était une jeune fille. Elle était couchée sur le ventre, elle était nue. Jambes et bras étaient liés ensemble avec du fil de fer qui était également tourné autour de son cou. Ses jambes étaient pliées vers l'arrière. Horrible".

Dans le tas fumant, les experts du parquet de Bruxelles trouvent des objets personnels de la victime: des bijoux, les restes calcinés d'un T-shirt, un soutien-gorge. Les enquêteurs se trouvent devant une énigme. Leur première impression est que la victime a accompagné ses meurtriers volontairement. Avant que le groupe ne se rende dans les caves, il s'est visiblement rendu dans la maison oú l'on retrouve des objets qui semblent en rapport avec le crime.

Quand Pierre et Antoinette Van Hees, entendent annoncer le lendemain la découverte du cadavre d'une jeune fille, à quelques rues de chez eux, la peur les envahit. Leur fille Christine (16), n'est pas rentrée la veille. Il se passe encore un jour et demi, avant que la police judiciaire de Bruxelles (PJ), puisse apporter aux gérants du magasin de journaux de l'avenue du Diamant un résultat définitif: c'était Christine. Les parents doivent aller identifier des petits morceaux de cahiers et les bijoux. Le corps ne leur sera pas présenté. Il y a des raisons à cela. Dans leur rapport d'autopsie, les médecins légistes Rillaert et Voordecker ne s'aventurent pas à donner un avis sur l'origine de la mort. Avant d'être brûlée, la jeune fille à été tellement maltraitée qu'il est impossible de déterminer quelle torture lui a été fatale. Dans son premier rapport, le docteur Voordecker mentionne des traces d'étranglement. Plus tard, les médecins, mettront dans leur rapport une autre observation: la victime ne se trouvait pas en période de menstruation. C'est un détail qui ne prendra toute son importance que treize ans plus tard. Les parents ont encore un autre choc à endurer. Leur fille n'est pas allée à l'école ce matin-là. On dit que ça lui arrivait assez souvent de sécher les cours.

C'était la période de la new wave. Christine Van Hees était une teenager rêveuse. Elle aimait U2, avait eu avec ses parents, dans les mois qui ont précédé sa mort, plus d'une discussion à propos de ses vêtements et de ses sorties. Christine était également une jeune fille sportive. Une fois par semaine, elle allait patiner ou nager. Elle allait à l'école à Anderlecht oú elle avait beaucoup d'amis. Elle devait donner son dernier signe de vie, cet après-midi-là, vers 17 h 20, à deux d'entre eux, rue Wayez à Anderlecht. Elle fit un brin de causette avec son amie Chantal et lui montra les bottes qu'elle avait achetées (ou reçues de quelqu'un) le matin même. Durant cette conversation, elle remarqua Didier, son ancien chef scout. Chantal et Didier virent Christine marcher en direction de la station de métro Saint-Guidon. De là elle avait une demi-heure de métro jusqu'à la station Pétillon, proche de son domicile. Cela a dû aller très vite. Des habitants de la rue de la Stratégie entendirent à 18 h 50 les hurlements d'une jeune fille. Ce qu'ils entendirent, semblait être: "Non, pas ça ! Arrêtez ! Maman !".

La piste des punks

Ceux qui au milieu des années '80 étaient étudiants à la VUB connaissent la légende urbaine. Des punks cinglés ont organisé une messe satanique. L'affaire paraît simple. La champignonnière déserte en 1984 est un amas de ruines. Des punks viennent régulièrement y fumer un joint, avant de rejoindre le Kultuurcafé. Dans la mesure oú il a du temps pour cette affaire, c'est la piste à laquelle s'accroche le juge d'instruction bruxellois Eloy. Eloy est également responsable au parquet de Bruxelles de l'enquête sur le groupe terroriste de gauche C.C.C. C'est beaucoup pour un seul homme. Eloy fera un infarctus et, plus tard, également une dépression nerveuse. Le 1er octobre 1985, l'affaire est remise entre les mains d'un nouveau juge d'instruction prometteur, Jean-Claude Van Espen.

Van Espen hérite d'un dossier qui contient déjà un suspect principal. C'est Serge C., l'un des punks qui a été vu fréquemment à la champignonnière. C., surnommé 'l'Iroquois', est un personnage marquant. Crête rouge vif, bottes militaires, drogué à la colle. En 1983, C. a purgé deux mois de prison pour vol avec violence. Plus tard il a été poursuivi pour désertion. Le 13 septembre 1984 il est arrêté et inculpé pour le meurtre de Christine Van Hees. Lors d'une perquisition, on trouve chez lui l'un de ses cahiers. C. nie, reconnaît, nie, reconnaît, nie... Son avocat attribue la versatilité de son jeune client au fait que la PJ récompense ses aveux avec de la drogue. Si elle ne vient pas, C. dit ne rien savoir. Il n'y a qu'une constante dans ses déclarations: la manière dont ce cahier à atterri dans sa chambre est pour lui un mystère. Il soupçonne quelqu'un de l'y avoir mis pour "l'avoir". Ce punk sera entendu seize fois au total et restera trois ans, deux mois et quatre jours en détention préventive. Dans les rapports des psychiatres on peut lire que Serge C. est "lourdement dérangé mentalement" et "qu'il n'a pas le contrôle de ses actes". Quand C. est relâché, le 17 novembre 1987 et déchargé de toutes poursuites judiciaires, Didier de Quévy est devenu son avocat. De Quévy s'adresse à la Cour Européenne des Droits de l'Homme oú l'Etat belge est condamné, en 1991, pour dépassement du délai raisonnable de détention préventive. De Quévy défend à cette époque d'autres marginaux. Il est également le conseil d'un certain Marc Dutroux de Marcinelle. Début 1992, la PJ de Bruxelles reprend l'enquête sur le meurtre de Christine Van Hees depuis le début. Pour la première fois, la mère, Antoinette Van Hees est entendue et une enquête de quartier à lieu. Ceci conduit à une nouvelle piste. Durant quatre ans, on recherchera le propriétaire d'une voiture noire avec un aigle doré sur le capot. Des riverains avaient vu une telle auto patrouiller dans le quartier. Cette piste également n'aboutit à rien. En juin 1996, les parents apprennent par le parquet de Bruxelles que le dossier est clôturé. "Dans leur lettre, ils écrivent votre fille Claudine", se souvient Pierre Van Hees. "Pour vous donner une idée de la manière intensive dont ils s'occupaient de l'affaire."

Le témoin X1 se présente à Neufchâteau

Mercredi 4 septembre 1996, le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte de Neufchâteau, a un entretien avec l'adjudant de gendarmerie De Baets des finances, section (3e SRC) de la BSR de Bruxelles. De Baets est flamand. Il mène l'enquête sur la situation financière de Marc Dutroux. Le téléphone sonne. Une certaine "Tania de Gand" tente de faire comprendre quelque chose à Connerotte, mais son français est aussi incompréhensible que son flamand à lui. Connerotte passe le téléphone à De Baets. Via Tania, De Baets est mis en contact avec une jeune femme qui veut "dire des choses à propos de Michel Nihoul". Il apparaît rapidement que la jeune femme a beaucoup de choses à raconter. Etant donné qu'elle demande l'anonymat, elle est baptisée X1 dans le procès verbal.

"Nous sommes en face d'un abîme", déclare Marc Verwilghen quand il entend parler du témoignage de X1, fin 1996. Durant un débat télévisé, un journaliste du Soir prédit que la Belgique n'existera plus très longtemps. L'affaire Dutroux, déclare-t-il, n'est qu'un détail. Qui est X1? Une petite femme de vingt-sept ans, surprenante et pleine d'assurance, qui dévoile une biographie incroyable. Bébé elle a été confiée à sa grand-mère qui vivait à Knokke. Là, elle fut élevée comme une enfant prostituée. Jusqu'à dix ans, elle était livrée comme une marchandise dans des chambres d'hôtel de Knokke. X1 explique comment adolescente, elle apercevait ici et là ses violeurs à la télévision. Avec des titres de ministre, bourgmestre, baron ou administrateur-délégué de banques ou de sociétés importantes. Que ces individus la violent, dit X1, cela était supportable. Les meurtres, voilà le vrai problème. Le plaisir de ces clients était accentué par l'angoisse de l'enfant. Leur jouissance la plus grande allait de pair avec l'angoisse la plus grande: l'angoisse de mort. Pour l'organisation et la protection de leur débauche, ces notables faisaient, suivant X1, appel à de petits criminels, comme son propre souteneur Tony, ou des personnages comme Marc Dutroux, Michel Nihoul et Bernard Weinstein. Que faire d'un tel témoignage, dans une période oú le pays entier hurle? Enquêter, ordonne Connerotte.

Une chose surprend l'adjudant De Baets dès la première audition de X1, le 20 septembre 1996. Elle n'hésite pas. Avec une facilité déconcertante, elle peut nommer ses anciennes camarades de classe qui pourront confirmer son histoire (et qui le feront), elle donne les adresses secrètes de notables (qui correspondent), décrit leur intérieur (qui correspond), et parle de "Marc", ce pauvre maladroit qui, au début des années quatre-vingt, lui est passé sur le corps avec d'autres dont "Miche". "Dutroux avait deux bergers allemands", lâche X1. "Ils s'appelaient Brutus et Sultan". Plus tard, au cours d'un interrogatoire de Dutroux, on le questionne sur ses chiens. Dutroux prend peur et refuse de répondre. Michelle Martin ne se méfie pas. L'un des deux chiens vit encore - l'animal a gardé la maison de Marcinelle quand Julie et Mélissa y étaient enfermées. "Il s'appelle Sultan", dit Martin. Beaucoup d'informations sur Dutroux paraissent dans la presse ces jours-là. Le nom du chien n'est jamais mentionné. Comment X1 peut-elle le connaître?

Le journal secret

X1 sera, au total, entendue dix-sept fois. Chacune des ces auditions est filmée de la première à la dernière minute. Ceci se fait sur le conseil d'experts. X1 souffre de ce que l'on nomme en psychologie la dissociation. Pour se souvenir d'un événement traumatisant, elle doit aller chercher dans un coin de sa mémoire qu'elle a refermé. En parler, fait revivre à la victime l'événement traumatique. Mais X1 sait se protéger. Quand cela devient trop difficile pour elle, elle se tait - des heures durant, si besoin en est. Elle ne pleure jamais. "Ils ne m'ont jamais appris à exprimer mon chagrin" s'excuse-t-elle.

Dans la soirée du 13 novembre, durant sa cinquième audition, X1 laisse tomber le nom de Christine. Elle raconte comment la jeune fille, après avoir été torturée longuement, fut brûlée dans la cave d'un bâtiment en ruines, dans la région de Bruxelles. Cela s'est passé dans le sillage d'une orgie qui avait duré tout un week-end et au cours de laquelle - ajoute-t-elle plus tard - son propre bébé de cinq mois a été tué. Comme punition. Parmi les personnes présentes, X1 nomme Michel Nihoul, Marc Dutroux, Michelle Martin, Annie Bouty, Tony, Bernard Weinstein, un avocat bruxellois, un couple de Gand et "un inconnu".

Audition de X1 du 13 novembre 1996, procès-verbal numéro 116/990: "Ils ont tué Christine [...]. Dutroux et Nihoul l'ont attachée d'une manière spéciale. Je devais plonger un couteau dans son vagin [...] Ils me disaient que je devais la faire taire. Christine fut d'abord attachée sur une table [...]. Ils guidaient ma main, j'ai été obligée de l'étrangler, sinon, je subirais la même chose. Christine a été violée à plusieurs reprises. Ensuite on l'a détachée, pour l'attacher à nouveau. Ses pieds et ses mains ont été attachés ensemble dans son dos. Enfin, ils l'ont brûlée." A la fin de l'interrogatoire, X1 décrit la maison oú cela s'est passé. Plus tard, elle donne plus d'explications à propos de ce qui à occasionné l'exécution punitive: "Dans le réseau, il y avait des filles expérimentées, comme moi, dont, dans leur plus tendre enfance les parents s'étaient distanciés. Il y avait également des filles qui étaient approchées par des adultes, et qui étaient introduites progressivement dans le réseau. Nous devions prendre ces filles sous notre protection. Si elles commettaient une faute, c'est nous qui étions punies. C'est comme cela que cela allait. Avec Christine cela n'allait pas du tout. Elle était perdue. Trois ou quatre mois avant sa mort, elle a fait la connaissance de Nihoul. Il lui a fait toutes sortes de promesses. Ce n'est qu'à la fin qu'elle a réalisé comment ça marchait vraiment. Elle voulait s'en aller, me disait-elle. Elle me dit qu'elle avait un journal intime caché quelque part. Je lui dis: parle à tes parents et demande leur de te protéger. J'ai alors commis la stupidité d'en parler à une autre fille. Celle-ci venait de recevoir une raclée à cause de Christine et elle est allée parler à Nihoul du journal intime. Ils ont directement planifié l'exécution. Elle devait mourir, à titre d'exemple pour nous".

X1 dans sa huitième audition, 18 novembre 1996, procès-verbal numéro 116-991: "Nous avons été toutes les deux poussées nues dans une voiture. Après un voyage de vingt minutes nous sommes arrivés à un endroit avec beaucoup de mauvaises herbes et de décombres. Il y avait une drôle d'odeur, le sol était froid et humide [...]. Nous sommes arrivés dans une maison, à l'étage. Ensuite, nous sommes descendus dans une grande cave. Là, Christine a été détachée et puis rattachée, comme un lapin. Elle fut violée à nouveau et travaillée avec un couteau. [...] Il y avait des bougies. [...] L'une des personnes présentes la piqua à plusieurs endroits du corps avec un morceau de métal qu'elle avait chauffé au-dessus d'une bougie. A un moment donné, quelqu'un a épongé le sang de son vagin avec un Tampax. [...] A la fin l'avocat a perforé sa main avec une sorte de morceau de métal. Après, ils l'ont aspergée d'essence et ils y ont mis le feu."

A la fin de son audition, X1 dessine un plan de la maison oú les tortures ont eu lieu, selon elle. Ce qu'elle dessine c'est le plan assez classique d'une maison de maître bruxelloise, un tas de décombres qui a dû être un jardin et une entrée vers une cave. Quelques détails sont frappants. Trois petites boucles dans la cuisine représentent des crochets de boucher. Les petits carrés sont deux tables en bois qui ont été abandonnées par les anciens propriétaires. Dans ce qui doit représenter le hall, X1 dessine une grosse ligne qui le traverse en diagonale. C'était une lourde buse en métal sur laquelle elle a trébuché en arrivant, expliqua-t-elle.

"Elle a été à cet endroit"

Pour qui veut se forger une opinion sur la crédibilité de X1, il est utile de savoir que les enquêteurs de la 3e SRC n'ont pas connaissance début novembre de l'enquête menée dans le passé par la PJ. Après avoir entendu X1 parler pour la première fois de "Christine", quelques hommes de la BSR ont fouillé dans les archives. Ils ont trouvé quelques vieilles coupures de presse au sujet du meurtre sur Christine Van Hees. Ce n'est pas là que X1 à pu trouver ce qu'elle raconte. La presse donne les versions les plus diverses à propos de la situation dans laquelle le corps a été découvert.

Le 4 décembre, les enquêteurs du parquet de Bruxelles vont chercher le dossier 84/85 du juge d'instruction Van Espen. Ce qu'ils découvrent les fait sursauter. Ils y trouvent une description détaillée des objets trouvés sur les lieux du crime. On signale entre autres des bouts de bougies et un Tampax imbibé de sang. Ce ne sont que quelques lignes d'un dossier qui, empilé, fait deux mètres. La version de X1, semble, sur certains points, plus précise que l'ancien dossier. Dans celui-ci il est dit à plusieurs reprises que Christine Van Hees a été attachée avec du fil de fer barbelé. Dans la plupart des articles de presse il était également fait mention de fil de fer barbelé. "Faux", dit X1, "c'était du câble électrique dont l'enveloppe était fondue." Les enquêteurs filent aux greffes du parquet de Bruxelles et retrouvent le câble. C'est un câble électrique dont l'enveloppe est fondue.

Dans le rapport d'autopsie on ne parle pas d'un objet métallique enfoncé dans les poignets de Christine. Après avoir feuilleté le dossier des jours entiers, l'attention d'un des hommes de la BSR est attirée par le procès-verbal 30.14.321/84, rédigé par la police d'Auderghem le soir du 13 février 1984. On lit: "Un clou est planté dans le poignet gauche." Quelque temps plus tard, ils retrouvent le clou au greffe. C'est un clou gigantesque. Pendant les vérifications, que les enquêteurs de la BSR effectuent, début 1997, il apparaît que le clou fit l'objet, à l'époque, d'une discussion entre les médecins légistes et les premiers hommes arrivés sur place. Le policier d'Auderghem De Kock dit avoir attiré l'attention des médecins sur le clou, mais ceux-ci lui auraient répondu qu'ils savaient comment on pratique une autopsie. Le pompier Norbert Vanden Berghen et son collègue Yvan Leurquin sont entendus, treize ans après les faits. Eux aussi, parlent d'un clou et disent ne pas comprendre comment les médecins légistes peuvent l'avoir oublié.

Le 21 janvier 1997, José Ginderachter, 59 ans est entendu. Il est le fils de l'ancien exploitant de la champignonnière et a habité la maison de maître. Quand la déclaration de X1 est présentée à Ginderachter, celui-ci ne peut rien dire d'autre que: "Cette personne doit avoir été sur place."

Qu'il s'agisse des trois crochets à viande dans la cuisine, du motif des carrelages du sol, des deux tables de cuisine en bois, d'un tonneau à eau de pluie dans la cour ou de l'accès à la champignonnière: Ginderachter ne peut que confirmer. Sur douze points concrets, sa description correspond à ce dont il peut se souvenir de la maison. L'homme peut également expliquer sur quoi X1 a trébuché: "Cette buse dans le hall, c'était un morceau de l'ancien chauffage au sol, de la champignonnière, qui avait été mis à nu quand on avait enlevé le plancher."

En se faisant l'avocat du diable, on pourrait supposer que X1 soit passée un jour à Auderghem par hasard, dans l'ancienne champignonnière et qu'elle l'aurait visitée. Il vaut la peine de mentionner que X1, au moment des faits, avait quinze ans et habitait Gand. La champignonnière fut détruite un an plus tard pour faire place à un bloc d'habitations sociales. Même en ne se fiant qu'aux éléments matériels, il est difficile de conclure autrement qu'en disant que X1 devait être présente au moment du meurtre. Mais, ce qu'elle dit sur les auteurs du meurtre n'est-il pas trop incroyable? Dutroux et Nihoul, commettant un assassinat ensemble en 1984? Ne se sont-ils pas connus en 1995?

"Mesdames et Messieurs, nous n'avions pas besoin de X1 pour résoudre ce crime ", déclare un enquêteur de la 3e SRC devant les membres de la commission Verwilghen, assommés de stupeur lorsqu'il est entendu à huis clos en octobre 1997. L'homme a passé des mois à fouiller l'ancien dossier de la PJ. Sa conclusion est la suivante: "Les noms des auteurs désignés par X1, sont indiqués indirectement dans le dossier depuis 1984."

Ce qui suit repose sur des témoignages de 1984.

Ensemble à la patinoire

Dès les premiers jours qui suivent le meurtre, la PJ apprend par des camarades de classe que Christine Van Hees, dans les mois qui ont précédé sa mort, menait une double vie. Elle séchait les cours, pas seulement le matin du 13 février 1984 mais aussi toute la semaine du 20 au 25 janvier 1984. Elle reçut pour ce faire, sans que ses parents soient au courant, une attestation médicale du docteur Hallard. D'après ses amies, Christine sortait souvent la nuit. A propos de son cercle d'amis, elles désignent les unes après les autres, la piste du Poséidon, la patinoire à glace de Woluwe-Saint-Lambert. A la patinoire, Ariane M. se souvient que Christine a rencontré "un certain Marc de la région de Mons". Son frère la rencontra, peu avant sa mort, dans un café, avec un certain Marc (Plus tard, il reconnaîtra avec une certitude de 80 % Marc Dutroux plus jeune). Au cours du week-end qui précéda sa mort, Christine avait rendez-vous avec "un certain Marc", raconte une autre amie. Ce Marc roulait à moto. La PJ n'a jamais réussi à identifier le mystérieux Marc. Françoise Dubois, l'ancienne épouse de Marc Dutroux, peut dire aux enquêteurs, début 1997, qu'il fréquentait souvent les patinoires de Forest et de Woluwe-Saint-Lambert. "Il restait souvent tout le week-end à Bruxelles". Michelle Martin a rencontré son mari à la patinoire. Fin 1983 elle est en fin de grossesse. Dutroux, confirme-t-elle, lors d'un interrogatoire le 4 décembre 1996, partait souvent seul pour lier contact avec des jeunes filles. A cette époque il roulait sur une grosse moto.

Christine allait également nager fréquemment. Après, disent ses amies, elle prenait un verre à la cafétéria. Au premier étage du bassin de natation d'Etterbeek, une radio libre avait ses locaux. L'émetteur s'appelait Radio Activité. Fin 1996, l'émetteur est l'un des éléments clef dans l'enquête du parquet de Neufchâteau. Car le personnage central de Radio Activité n'est autre que Michel Nihoul. Radio Activité apparaît à plusieurs reprises dans l'ancien dossier. Peu de temps avant sa mort, des amies de Christine l'ont aperçue à des fêtes qui étaient organisées là.

Lors de l'enquête sur Serge C., en 1984, c'est un collaborateur de Radio Activité qui venait régulièrement, offrir des "informations" aux enquêteurs de la PJ. Celles-ci semblaient souvent aller dans le sens de la piste des punks. L'homme de la radio bénéficiait de plus d'attention de la part des enquêteurs que le portier de dancing Freddy V. Celui-ci conseille "d'aller voir au café Les Bouffons, lieu de rencontre habituel des gens de Radio Activité". Le portier y a remarqué Christine Van Hees peu avant sa mort. Ce n'était pas vraiment un endroit pour une jeune fille comme elle, trouve Freddy V. Surtout quand on sait que Patrick Haemers y était également considéré comme un habitué.

Au milieu des années '80, le juge d'instruction Jean-Claude Van Espen ne pouvait évidemment pas savoir que des termes comme "un certain Marc" ou "Radio Activité", deviendraient un jour dans ce dossier d'énormes signaux d'alarme. Pourtant, il existe d'autres indices qui convergent vers le milieu de Nihoul. Le 27 avril 1987, la police d'Etterbeek reçoit un coup de téléphone. La conversation se déroule ainsi: - "Police d'Etterbeek? Excusez-moi Monsieur. Si vous voulez vous mettre au courant, allez voir au café Dolo, rue Philippe Baucq, au numéro 140."L'agent: "Qu'est-ce-qui se passe là-bas?"

- "Vous pourriez peut-être en apprendre plus sur la Champignonnière."

L'agent: "Que voulez-vous dire?"

- "Sur le coin de la rue Philippe Baucq, le Dolo. Si vous y alliez de temps en temps, vous en sauriez plus sur la Champignonnière."

L'agent: "Pourquoi dites-vous çà, Monsieur?"

A ce moment la communication est interrompue. La conversation, enregistrée sur magnétophone, se trouve dans l'ancien dossier 64/85 (procès-verbal 33797, Police d'Etterbeek). Aucun acte d'enquête n'a jamais été mené en direction du Dolo. Il y aurait même eu d'autres raisons d'enquêter que celles évoquées jusqu'à présent. Peu après le meurtre, Muriel A. apprend que Christine a prétendu, auprès de ses parents, qu'elle dormait de temps en temps chez elle - ce qui n'est pas exact. Nathalie G. se souvient également qu'après une soirée, deux semaines avant sa mort, Christine l'avait suppliée de l'accompagner jusqu'à son domicile, "parce qu'elle avait peur de quelqu'un".

Eh puis, il y a Fabienne K. Elle déclare à la PJ de Bruxelles qu'elle voyait Christine chaque jour, sur le bus et que celle-ci lui avait dit faire partie d'un groupe de gens "plus âgés qu'elle" qui tenaient "des réunions secrètes". K met l'accent sur le fait que Christine ne parlait pas de punks ou de skinheads. Fabienne K., le 20 février 1984, dans le procès-verbal numéro 7112:

"Christine n'a jamais parlé de ceci avec des filles de sa classe. Elle m'a laissé entendre que, dans ce groupe, on pratiquait l'amour libre [...]. Elle m'a dit que ce groupe l'attirait et l'angoissait en même temps. Elle disait qu'elle voulait couper les ponts parce qu'il s'était passé des choses graves [...]. Christine avait un journal intime qu'elle cachait quelque part [...] Elle était entrée en conflit avec une autre fille du groupe. Elle se sentait très attirée par l'un des membres de la bande. Elle décrivait la bande comme ça: "Ce sont des cochons, mais je me sens bien avec eux. Elle me disait que quand on était entré dans ce milieu, on n'en sortait plus jamais. Si elle en parlait, ils la tueraient et ils mettraient le feu à sa maison. [...] Cela avait peu de sens, disait-elle, d'en parler à quelqu'un car personne ne la croirait".

Fabienne K. confirme son histoire en 1993 à la PJ, et encore une fois début 1997 aux enquêteurs de la 3e SRC. On n'avait donc pas vraiment besoin d'éléments nouveaux. X1 a, entre-temps, indiqué des adresses habitées selon elle par Annie Bouty et/ou Michel Nihoul en 1984. Les adresses ont été vérifiées et elles correspondent. Les gens de la BSR ont également repris la recherche d'autos portant un sigle en forme d'aigle. Et Marlène De Cockere, amie de Nihoul, avait acheté en avril 1983, une Mitsubishi Celeste avec un aigle peint sur le capot. Ce dernier élément, est le moins certain de la série de vérifications réalisées par l'équipe de l'adjudant De Baets. En plein milieu de l'enquête sur cette voiture, De Baets et trois autres enquêteurs sont écartés de l'antenne de Neufchâteau à la mi-août. (voir encadré).

X1 n'a pas toujours été aussi précise, c'est certain. De Baets et son équipe ont travaillé de temps en temps de manière hâtive. Pourtant, les petites erreurs constatées lors de la "relecture" n'ont pas une importance telle qu'elles puissent mettre en doute la valeur de l'enquête. Ainsi, lors de la transcription, des paroles de X1, ça ne se passe pas trop bien. L'adjudant Patrick De Baets et Philippe Hupez lui font dire dans un procès-verbal que "Bernard Weinstein" était également présent lors du meurtre de Christine. Sur la vidéo originale, cela se passe autrement. X1 parle "d'un homme dont je pense qu'il s'agit de Weinstein." Ce ne sont ni X1, ni Hupez et encore moins De Baets qui apportent cette correction. Elle est pourtant d'une immense importance. Bernard Weinstein était en prison en France jusqu'à fin 1985. Tout juste avant d'être renvoyés, les enquêteurs font encore une autre découverte à propos de Marc Dutroux. Le 15 février 1984, il ouvre un compte courant auprès de la banque du Crédit Professionnel du Hainaut. Dans les trois jours qui suivent, un total de 200.000 Bef sera versé sur ce compte. Le 15 février, c'est deux jours après le meurtre de Christine Van Hees.

Dans l'attente des résultats de la "relecture", le juge d'instruction Van Espen se concentre, depuis quelques semaines, sur une nouvelle piste: celle des punks bruxellois..

Comment on a "cassé" le dossier judiciaire de 1997 en le relisant

Bien avant qu'une discussion ne s'installe sur l'éventuel transfert des dossiers annexes de l'affaire Dutroux vers d'autres arrondissements judiciaires, un tel transfert avait déjà eu lieu le 27 janvier 1997 pour certaines parties du dossier 96/109 du parquet de Neufchâteau. Le dossier 96/109 est le dossier ouvert en son temps par le juge d'instruction Connerotte pour regrouper toutes les déclarations des victimes de faits de pédophilie. Quand un témoignage s'avérait avoir un lien avec une enquête judiciaire en cours sur un meurtre d'enfant, cette partie était transférée vers l'arrondissement concerné. Dans le cas de la champignonnière, il s'agissait de Bruxelles.

"Vous allez avoir des problèmes", prévint X1 quand ses enquêteurs pensèrent lui faire plaisir avec l'annonce du transfert. Tout indiquait pourtant que le retrait du dossier de Neufchâteau ne pourrait être que bénéfique, en termes d'efficacité. Si une déclarations de X1 peut être considérée comme significative, c'est bien cette prédiction.

Les choses deviennent difficiles pour X1

Les ennuis commencèrent avec les fuites concernant la lettre des juges d'instruction Leys et Van Espen adressées dès le 29 octobre 1996 aux diverses autorités judiciaires. Ces deux magistrats spécialisés dans les affaires financières, se plaignaient du fait que la section financière (3e SRC) de la BSR de Bruxelles ne travaillait plus que sur l'affaire Dutroux et quasiment pas sur les enquêtes financières. La raison pour laquelle Van Espen se plaignait, fin 1996, d'un manque de personnel pour ses dossiers financiers, mais reprenait en même temps la direction d'un dossier, qu'il décrivait comme "le clou de mon cerceuil" n'est pas claire. La première chose que découvrit Van Espen, à cette occasion, c'est une analyse rigoureuse de l'ancien dossier Van Hees par un membre consciencieux de la BSR. Dans cette analyse, l'enquête de Van Espen est décrite comme erratique. On voit que de manière constante, il a négligé toutes les informations indiquant la piste de Dutroux et de Nihoul.

Le 20 juin 1997, une réunion a lieu entre Van Espen, le commandant de gendarmerie Duterme (à la tête de l'antenne de Neufchâteau de la 3e SRC depuis fin 1996) et quelques enquêteurs. Les adjudants De Baets et Mertens, qui coordonnaient pratiquement les travaux de l'antenne, ne sont pas invités. Il y a une raison à cela. La réunion les concerne. Duterme et Van Espen prétendent que De Baets à falsifié un procès-verbal. Que s'est-il passé? Après la fin de l'audition du 18 novembre (voir plus haut), De Baets confronte X1 avec une série de photos. L'une d'entre elles est celle de Christine Van Hees. "Est-elle parmi celles-ci?", demande De Baets. X1 fait signe que oui "Voulez-vous la montrer?" X1 fait signe que non. Elle veut que l'audition s'arrête et elle ne veut plus regarder les photos" parce que tout revient". De Baets insiste. X1 se fâche. Elle veut rentrer chez elle. Elle ne veut plus du tout témoigner, dit-elle. Délibérément, elle désigne une autre photo. Dans son PV, De Baets écrit que "X1 a reconnu la photo de Christine", car au cours d'une audition ultérieure, X1 désignera la photo sans broncher.

Duterme parle pourtant de "faux en écritures". Van Espen ajoute encore une autre plainte. Il a découvert que De Baets à fourni une information sur Nihoul au conseiller Marique de la commission Verwilghen. Une faute de procédure, estime Van Espen. De Baets aurait dû demander sa permission. Le 22 juin, Van Espen exprime, dans une longue lettre au procureur Benoît Dejemeppe, "son souci à propos de la pollution de cette enquête".

Le parcours de la lettre de Van Espen, traduit l'ambiance dans laquelle baigne le dossier 96/109. Dejemeppe envoie la lettre au magistrat national Van Oudenhove, qui la transmet au ministre de la justice De Clerck. Celui-ci la transmet au procureur général de Liège, Thily qui estime qu'il s'agit d'une question bruxelloise. Elle la renvoie à Dejemeppe. Ce dernier, charge finalement le juge d'instruction Pignolet, d'une enquête pour faux en écritures "contre inconnu". Entretemps, diverses plaintes commencent à pleuvoir. A la PJ, le commissaire Marnette accuse le commissaire Suys et vice versa. En cause une déclaration de Suys devant la commission Verwilghen, erronément citée dans la presse. Le commissaire général De Vroom fulmine contre la BSR de Bruxelles parce qu'il pense y trouver la source de la folle histoire d'inceste à propos de sa fille. Au sein de la 3e SRC, Duterme ajoute une plainte contre De Baets pour la question de la photo. Tout ceci devient dans quelques journaux un micmac au milieu duquel De Baets est désigné comme le grand manipulateur y compris de la ridicule perquisition de la secte satanique Abrasax, des fouilles de Jumet et de l'affaire Di Rupo...

Pan a un "scoop"

Pignolet est chargé de séparer le bon grain de l'ivraie. Il garde surtout l'ivraie. De Baets n'a rien à voir avec Jumet, Abrasax, De Vroom ni Di Rupo. En étudiant de près le dossier 96/109, on s'aperçoit que De Baets notait soigneusement, dès le 6 décembre 1996 dans le PV 117.487, que le 18 novembre X1 avait désigné une mauvaise photo parce qu'elle s'effondrait. Van Espen et Duterme n'ont semble-t-il pas remarqué ce PV. Le déluge de plaintes ferait presque oublier qu'il existe une enquête sur le meurtre de Christine Van Hees. Il semble effectivement que ceci soit devenu tout à fait secondaire. A un moment donné, il n'est plus question que de "méthodes d'enquête fautives et suggestives", le juge d'instruction Jacques Langlois, ordonne depuis Neufchâteau, une "relecture" de toutes les enquêtes qui ont été ouvertes au départ du dossier 96/109. Cette "relecture" - qui ne devrait prendre que quelques semaines - doit permettre d'établir si De Baets et son équipe ont effectivement influencé des témoins.

Le 21 août, l'hebdomadaire Pan (propriété de l'ex-Premier ministre Paul Vanden Boeynants) indique que De Baets et trois de ses enquêteurs de l'antenne Neufchâteau sont écartés de l'enquête. Pan titre: Verwilghen, Knokke-out - quelle que soit la signification de ceci. Le plus étrange, c'est que ce jour-là, aucune décision n'a encore été prise. Ce n'est que le 25 août que les quatres enquêteurs reçoivent du colonel de gendarmerie Brabant l'information qu'ils sont écartés de l'antenne,"provisoirement" et dans l'attente de la relecture. Aujourd'hui, le 7 janvier 1998, la relecture est toujours en cours. Le dossier 96/109 a déjà été relu deux fois. Après une première relecture (non-officielle), puis une deuxième, on entamait un troisième tour début juillet. Celui-ci est, selon les dernières nouvelles, quasi terminé et ne permet pas du tout de conclure que X1 aurait été "aidée" pendant les auditions. Entretemps, la 3e SRC est divisée en deux camps qui sont à couteaux tirés et personne ne croit que les quatre enquêteurs pourront encore rejoindre l'antenne de Neufchâteau. Il ne semble pas non plus que quelque chose puisse encore sortir d'une quelconque enquête. Par la lecture, relecture et re-relecture du dossier confidentiel 96/109, tellement de copies ont circulé, que les auteurs des actes désignés par X1, doivent à l'heure qu'il est, en connaître le contenu, mieux que quiconque. Fin novembre, l'un des analystes de la gendarmerie laissait le dossier Van Hees entier, traîner dans le coffre de sa voiture, oú il a été volé.