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SOMMARIE

LA CRÉDIBILITÉ DE LA JUSTICE
Marc Reisinger

De Morgen 7 janvier 1997
DUTROUX ET NIHOUL, SOUPÇONNÉS DU MEURTRE DE CHRISTINE VAN HEES EN 1984
par Annemie Bulté et Douglas De Coninck


De Morgen 8 janvier 1998
LA JEUNE FILLE QUI ACCOUCHA EN SECRET
par Anemie Bulté et Douglas de Coninck


De Morgen 8 janvier 1998
LE 23 DÉCEMBRE '96' TREIZE PERQUISITIONS SONT PRÉVUES
par Anemie Bulté et Douglas de Coninck


De Morgen 8 janvier 1998
UNE RELECTURE PLUS FAUTIVE QUE LES AUDITIONS
par Annemie Bulté et Douglas De Coninck


De Morgen 9 janvier 1998
VAN ESPEN DESSAISI DU DOSSIER DE LA CHAMPIGNONNIÈRE
par Douglas De Coninck


De Morgen 10 janvier 1998
INTERVIEW DE REGINA LOUF, TÉMOIN X1 DE NEUFCHATEAU
par Annemie Bultéet et Douglas De Coninck


De Morgen 2 février 1998
LA COORDINATION NATIONALE DE L'ENQUÊTE X1 ÉTAIT UN GÉANT AUX PIEDS D'ARGILE
extraits de l'article de Walter De Bock


CE QU'ILS EN PENSENT


VÉRITÉS ET MENSONGES


POURQUOI FAUT-IL PRENDRE AU SÉRIEUX LE TÉMOIGNAGE DE REGINA?


QUINZE MOIS DE TÉMOIGNAGES


 


CE QU'ILS EN PENSENT

Regina Louf, X1

"Je ne crie pas vengeance. Je suis en bonne santé, j'ai une famille agréable et je puis imaginer que maintenant ils vont me laisser tranquille. Je ne suis pas allée de mon propre gré à Neufchâteau. Celui qui veut se donner la peine de reconstruire les événements le sait. Ce qui me motive actuellement à faire entendre ma voix c'est ma crainte que l'affaire Dutroux ne devienne un accident de parcours. Si les réseaux survivent à ceci, alors tout est permis. Alors, a nouveau, un grand nombre de jeunes victimes vont tomber et - plus grave - aucune d'entre elles n'osera plus parler au cours des vingt prochaines années."

"Celui qui a eu des rapports sexuels avec un enfant même une seule fois dans sa vie peut être l'objet de chantage pour le reste de sa carrière, s'il existe des photos ou une vidéo

Bie Heyse, psychothérapeute de Regina

La psychothérapeute se plaint, dans une lettre adressée le 10 décembre 1997 à la commission Verwilghen, de la manière dont les nouveaux enquêteurs de la BSR de Bruxelles se comportent avec sa cliente depuis le mois de septembre.

Après que l'équipe de l'adjudant Patrick De Baets, principal interrogateur de X1, ait été écartée de l'antenne de Neufchâteau le 25 août 1977, Regina fit la connaissance des nouveaux enquêteurs: Danny De Pauw et Eddy Verhaeghen. Dans ce contexte, les deux hommes de la BSR eurent, le 2 octobre, un entretien avec la thérapeute Bie Heyse. Elle leur donna quelques conseils. Elle leur déconseillait par exemple vivement de faire asseoir Regina sur la banquette arrière d'une voiture et de l'assaillir immédiatement de questions. Pour elle, c'était un scénario évoquant l'époque oú elle était transportée par son souteneur comme enfant prostituée. D'après la thérapeute, les hommes de la BSR firent exactement le contraire de ce qui leur était conseillé. Dans sa lettre, la thérapeute énumère encore une série d'autres faits qui montrent, d'après elle, que l'attitude des hommes de la BSR de Bruxelles a pour but de décourager Regina de témoigner.

C'est également l'impression de Regina: "Au cours d'un premier contact, l'un d'eux m'a dit qu'il ne pouvait pas croire qu'en tant qu'enfant prostituée, je n'avais jamais éprouvé de plaisir. Ils parlaient également tout le temps de mes 'amants' alors que je les croyais à la recherche de mes violeurs." (De Morgen, 08-01-98)

Professeur Igodt, psychiatre

Le professeur Igodt de la K.U.L. présidait le collège d'experts chargés d'examiner Regina Louf à la demande de la Justice. Dans leur rapport de septembre 1997, ils écrivent: "Elle montre, tout comme d'autres victimes d'abus sexuels, des signes de contamination de la mémoire. Par le biais d'une thérapie qui a duré des années, elle a vraiment trouvé un équilibre qui lui permet de faire preuve d'un caractère stable. Le témoin peut donc être utilisé comme un élément dans l'enquête, pour permettre d'explorer de nouvelles pistes. Son témoignage ne peut pas réellement être utilisé comme une preuve en soi, sauf à être confirmé par une autre source indépendante."

Quelle est, dès lors, la valeur du témoignage de X1? Les psychiatres mettent en garde par rapport au fait que dans la mémoire des victimes d'abus sexuels, il peut y avoir des déformations. "Des informations peuvent avoir été détruites, déformées ou créées. Elles peuvent être contaminées par des lectures à propos du même sujet, les thérapies ou les auditions. D'autre part, de manière quasi inexplicable, certains souvenirs peuvent avoir une exactitude photographique, jusqu'au plus petit détail. La science n'a pas encore trouvé de méthode précise pour déterminer s'il s'agit de souvenirs précis ou faux, ou encore d'une combinaison des deux."

L'un des coauteurs du rapport, avec lequel nous avons pu nous entretenir hier, a voulu réagir à propos de la manière sans nuances dont des fuites ont eu lieu dans certains journaux. Selon le coauteur, "une image totalement fausse" des avis que donne en fait le collège a ainsi été brossée. "X1 a été traumatisée par un abus sexuel massif dans son passé. Ses déclarations choquent naturellement les gens, ce qui amène automatiquement un réflexe de déni. Notre position est qu'il faut vérifier ses déclarations afin de séparer la réalité de la fiction. Si elles sont vérifiées, cela représente un pas en avant pour l'enquête. Si elles ne sont pas vérifiées, alors il n'est toujours pas possible d'affirmer que tout ce que déclare cette femme est faux. Dans notre rapport, nous disons que X1 ne peut pas être vue comme une preuve dans une enquête. Si d'aucuns interprètent ceci comme une indication qui permettrait de dire que X1 ne doit pas être prise au sérieux, ils s'agit d'une grossière erreur." (De Morgen, 09-01-98)

Paul Cosyns, psychiatre

Le témoin X1 a été entendu dix-sept fois par les enquêteurs de Neufchâteau. Elle a chaque fois donné des détails sur les abus sexuels qu'elle a subis et sur l'horrible meurtre de Christine Van Hees. Beaucoup de détails correspondent, certains pas. Conclure de cela que X1 ment, est impossible, estime le psychiatre Paul Cosyns. "Mentir, c'est donner volontairement de fausses informations en vue d'obtenir un résultat. Pour autant que je connaisse l'histoire de X1, je constate qu'il s'y trouve encore beaucoup de faits à explorer. "

X1 n'est pas non plus une menteuse pathologique ou une mythomane, pense Cosyns. "Les menteurs pathologiques donnent continuellement de fausses informations, sans poursuivre aucun but. Ces gens souffrent d'une affection qui s'appelle pseudo-logica phantastica. Ils racontent les histoires les plus impressionantes. Dans un premier temps, vous avez l'impression que cela peut être vrai. Mais rapidement vous découvrez la vérité. Souvent ils se perdent eux-mêmes dans leur monde mythomaniaque. Les menteurs pathologiques que je vois dans ma pratique, sont envoyés par les autorités judiciaires. Parce qu'ils font parfois des déclarations si accablantes, que les personnes visées portent plainte."

Il y a presque quatorze ans que Christine Van Hees a été tuée. Pourtant, X1 peut donner de cette soirée et de la champignonnière une description incluant des détails précis: l'odeur, le motif des carrelages, le câble électrique avec lequel Christine aurait été attachée. "Les victimes de ce genre d'abus peuvent souvent revivre les événements dans leur mémoire comme dans un film, elles voient tout très visuellement", dit Cosyns. "C'est la raison pour laquelle on utilise l'hypnose, lorsque ces choses sont refoulées."

Chacune des dix-sept auditions de X1 a été enregistrée sur vidéo. C'est une bonne méthode, estime Cosyns. "La technique d'interrogatoire est très importante. Chacun le sait. Il existe de nombreux ouvrages à ce propos. Le questionnement à propos d'événements douloureux peut augmenter la fragilité du témoin. Le danger existe que les enquêteurs aient déjà une idée en tête, un scénario. Quand il existe un enregistrement vidéo, l'audition peut être revue et réanalysée. Question de savoir si pour certaines choses on a travaillé de manière suggestive ou non."

"La meilleure manière de travailler est, d'après moi, de laisser, dans une première phase, la victime raconter tranquillement ce qui s'est passé. Et seulement ensuite de vérifier les faits. C'est dans la deuxième phase que l'on peut éventuellement passer à des questions plus spécifiques."

Mais, admet Cosyns, les victimes d'abus sérieux, peuvent rendre la tâche difficile aux observateurs. "Une histoire racontée par une victime peut différer énormément de la relation de la même histoire par une autre personne présente. Des émotions comme la peur ou la douleur, colorent inévitablement une histoire. Dans ma pratique, j'ai vu une femme qui avait été violée de manière sadique. Elle prétendait n'avoir rien senti. Quand la douleur et l'angoisse deviennent trop grandes, se présente souvent un phénomène de dissociation et de détachement. Vous prenez psychiquement distance de vous-même pour survivre. Vous devenez alors insensible, assistez littéralement à ce qui vous est fait mais sans 'habiter' votre corps plus longtemps. Mentez-vous alors, quand vous dites que vous avez vécu l'abus mais que vous ne l'avez pas ressenti? Non." (De Morgen, 08-01-98)

Le père de Christine Van Hees

"Ils sont occupés depuis quatorze ans ! Maintenant qu'il y a enfin une piste sérieuse, on stoppe l'enquête. Je suis inquiet." (De Morgen, 08-01-98)

Benoît Dejemeppe, procureur du Roi à Bruxelles

Le procureur Dejemeppe déclare au sujet de l'enquête sur le meurtre de la champignonnière d'Auderghem, que "le dossier est encore à l'enquête". Il considère que ce n'était pas le moment de publier les informations du Morgen. Selon M. Dejemeppe, "le juge d'instruction Van Espen n'a pas dormi". Un supect a même été emprisonné pendant troisans et demi. [NdT Il était innocent.] Il a d'ailleurs obtenu sur décision de la Cour Européenne de Justice un dédommagement de l'Etat belge pour détention abusive. (De Morgen, 08-01-98)

Yves Desmet, rédacteur en chef du Morgen

Si le fait qu'un juge d'instruction mange un spaghetti avec un groupe de soutien aux victimes compromet radicalement son "impartialité apparente", qu'en est-il de "l'impartialité apparente " d'un juge d'instruction chargé d'un dossier oú un de ses ex-clients pourrait être impliqué?

Marc Verwilghen, président de la commission d'enquête (VLD)

Le 11 juillet 1997, le chef de l'antenne de Neufchâteau auprès de la BSR bruxelloise, le commandant de gendarmerie Jean-Luc Duterme, décidait que tous les dossiers qui avaient été ouverts au départ des déclarations du témoin X1, devaient faire l'objet d'une "relecture". Concrètement, cela signifie que les recherches dans leur entièreté doivent être mises en veilleuse et qu'on cherchera désormais en priorité si d'éventuelles fautes ont pu être commises dans l'enquête réalisée par l'équipe de l'adjudant de gendarmerie Patrick De Baets.

"Ceci est extrêmement exceptionnel", dit Marc Verwilghen, président de la commission Dutroux. "On ne semble pas s'en rendre compte. Certains présentent cela comme une procédure normale. Mais ce n'est absolument pas le cas. Quand j'analyse le dossier de la champignonnière présenté par De Morgen, je constate que c'est cohérent. X1 à fourni à la justice des informations correctes et d'une extrême importance. L'enquête me paraît avoir suivi un cours normal. L'anomalie ne se trouve pas dans l'enquête mais dans la relecture. Par conséquent, je me pose de graves questions."

Au cours des derniers mois, la commission Dutroux à entendu à huis clos différents acteurs de la controverse au sein de l'antenne Neufchâteau de la BSR bruxelloise. "Nous avons constaté que les initiatives visant à stopper les enquêtes ont été prises au niveau de la gendarmerie et non de la magistrature. Je pense ici tant aux décisions de relecture qu'aux décisions d'éliminer l'équipe d'enquêteurs qui voulait continuer les investigations autour des déclarations du témoin X1. Par la suite, le juge d'instruction Langlois à décidé d'assumer la responsabilité de ceci, mais j'ai, plus que jamais le sentiment qu'il à commis une lourde faute. Ce qui s'est passé à la 3e SRC est inacceptable." (De Morgen, 08-01-98)

Vincent Decroly, membre de la commission (Ecolo)

"Je puis comprendre que l'on estime le contenu d'une enquête si délicat qu'on ordonne une relecture. Ce que je ne comprends pas, c'est que l'existence d'une telle relecture soit invoquée pour stopper momentanément une enquête judiciaire. Ne pouvait-on simplement continuer l'audition de X1 et la vérification de ses déclarations pendant qu'une telle relecture avait lieu? Ou ceci est-il à nouveau trop simple? J'ai le sentiment que maintenant, à cause de la relecture, tant de temps a été perdu qu'il ne reste rien ou peu des enquêtes." (De Morgen, 08-01-98)

Claude Eerdekens, membre de la commission (PS)

"Ou bien elle ment, ou bien elle est folle." (Mise au Point, RTBF 1er février 1998)

Jacqueline Herzet, membre de la commission (PRL)

"Je ne veux pas savoir si X1 dit la vérité ou pas."

"Il est temps que cesse le climat de méfiance et de suspicion sur la justice. Moi, je veux croire dans la justice de mon pays." (Controverses, RTL 1er février 1998)

Le Zoute

"Le Zoute choqué par les déclarations de Regina." (Le Soir, 1er février 1998)

Ce n'est pas parce que X personnes répètent que X1 n'est pas crédible, qu'elle ne l'est pas: encore faut-il le démontrer